Publicité

Le Conseil européen fait avancer l'Europe de la défense

par Jean-Baptiste Vey BRUXELLES (Reuters) - Les chefs d'Etat et de gouvernement européens ont pris acte jeudi de plusieurs avancées pour l'Europe de la défense, dont la création d'un fonds européen, un cadre permettant aux Etats qui le veulent de coopérer plus étroitement et une généralisation de financements communs pour des opérations conjointes. Ils ont parallèlement travaillé sur les mesures visant à lutter contre le terrorisme, notamment les contrôles aux frontières extérieures de l'Union, le fichier des passagers aériens (PNR) et la lutte contre la propagande sur Internet. Les Européens veulent que cette propagande puisse être immédiatement rendue inaccessible et pouvoir localiser et disposer des métadonnées d'utilisateurs de systèmes de communications chiffrées, sans briser leur confidentialité. "Les conclusions qui ont été adoptées en matière de défense sont à la hauteur des enjeux, il faut en mesurer pleinement le caractère historique", a dit le président français, Emmanuel Macron, lors d'une conférence de presse. La chancelière Angela Merkel s'est félicitée des futures possibilités de coopération entre Etats volontaires. "Du point de vue allemand et français, c'est très important", a-t-elle dit, en évoquant d'éventuelles actions en Afrique. La création du fonds pour la défense a été proposée le 7 juin par la Commission européenne, qui envisage d'y consacrer 590 millions d'euros jusqu'en 2020 et au moins 1,5 milliard par an à partir de 2020. Avec les contributions des Etats, le fonds pourrait générer 5,5 milliards d'euros par an d'investissement dans la recherche et développement de capacités à partir de 2020. DURCIR LA POLITIQUE COMMERCIALE "L’objectif principal de ce Conseil, c’est de commencer à définir ou redéfinir cette Europe qui protège et dont nous avons besoin", a dit Emmanuel Macron, qui a montré, pour son premier Conseil, sa volonté de participer à l'élan réformateur que connaît l'Union depuis le vote en faveur du Brexit, il y a un an. "En matière de lutte contre le terrorisme, nous avons adopté des conclusions ambitieuses qui ont rappelé les initiatives récemment adoptées, en particulier la mise en place du PNR, la nécessité d’une coopération entre Etats membres en matière de lutte contre le terrorisme renforcée, la mise en place d’un contrôle aux frontières extérieures qui est une avancée importante qui va conduire dans les prochaines semaines à modifier le code Schengen pour davantage contrôler les entrées et sorties, ce qui est un élément indispensable d’une plus grande sécurisation", dit-il par ailleurs dans un communiqué diffusé dans la soirée par l'Elysée. Lors du dîner jeudi, la Première ministre britannique a présenté ses propositions pour protéger les droits des Européens vivant au Royaume-Uni et des Britanniques vivant dans un des 27 autres pays membres, un sujet prioritaire des négociations sur le Brexit qui ont commencé lundi. Theresa May a promis de faire en sorte qu'aucun expatrié européen ne soit invité à quitter la Grande-Bretagne lorsque le divorce avec l'UE aura été prononcé. Ceux dont la présence remontera à plus de cinq ans au moment du Brexit se verront proposer un nouveau statut qui leur garantira les mêmes droits que les Britanniques en matière de santé, d'éducation, de prestations sociales et de retraite. MAY DONNE DES GARANTIES Ceux dont la présence sera inférieure à cinq ans pourront rester le temps nécessaire pour arriver à cette durée. Une période de grâce qui devrait être de deux ans permettra en outre de faire en sorte "que personne ne se retrouve au bord du précipice", a-t-elle poursuivi, ajoutant que la réciprocité pour les expatriés britanniques dans l'UE était "essentielle". Les Européens devraient parallèlement s'engager à appliquer l'accord de Paris sur le climat, rejeté par le président américain Donald Trump, et à soutenir sa mise en oeuvre par les pays signataires. Ils se sont par ailleurs entendus sur la marche à suivre pour la relocalisation de l'Autorité bancaire et de l'Agence du médicament, deux organismes européens situés au Royaume-Uni. Vingt Etats membres sont sur les rangs. Selon la procédure adoptée jeudi, leurs candidatures devront être déposées avant la fin juillet. Elle seront examinées d'ici septembre par la Commission européenne, puis les chef d'Etat et de gouvernement trancheront en octobre. Vendredi, les Européens travailleront sur les migrations, dans le contexte d'une dégradation de la situation en Méditerranée centrale et en Libye et d'un manque d'efficacité des mesures pour garder les frontières, examiner les demandes d'asile et expulser ceux qui ne peuvent prétendre à l'asile. La protection commerciale sera aussi examinée, la France appelant de ses voeux un renforcement dans ce domaine "Je souhaite que nous puissions en matière de commerce avoir une Europe tout à fait ouverte au libre-échange (...) mais qui protège lorsque d’autres ne respectent pas certaines règles", a dit Emmanuel Macron. Le projet de conclusions mentionne le "contrôle de certains investissements directs étrangers dans des matières sensibles", avec une demande à la Commission d'y travailler, a-t-il ajouté. Paris souhaite en outre renforcer la lutte contre le dumping social dans l'Union, avec un durcissement des règles encadrant le travail détaché, un sujet qui sera au menu de la rencontre d'Emmanuel Macron vendredi matin avec les membres du groupe de Visegrad (Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie). Dans un entretien à huit quotidiens européens diffusé mercredi, il déplore l'attitude de certains Etat d'Europe de l'Est, qui "trahissent" par "une approche cynique de l’Union qui servirait à dépenser les crédits sans respecter les valeurs". Ces propos ont été accueillis fraîchement par les dirigeants des pays de l'Est. "Le président français est très jeune. Il vient ici pour la première fois (...) ses débuts ne sont pas très prometteurs", a dit le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, à des journalistes. (Avec le bureau européen de Reuters à Bruxelles)