Macron et Poutine amorcent un dégel après une année tendue

par Michel Rose

SAINT-PETERSBOURG, Russie (Reuters) - Après une année de tensions nourries par la Syrie, l'affaire Skripal et l'Ukraine, Emmanuel Macron et Vladimir Poutine ont amorcé jeudi et vendredi un dégel de leur relation en affichant leur volonté de travailler ensemble sur les grands sujets internationaux et de renforcer leur partenariat bilatéral dans un contexte géopolitique bousculé par Donald Trump.

Entretien de trois heures dans le décor du palais Constantin près de Saint-Petersbourg, poignées de mains et sourires devant les objectifs : les retrouvailles des deux dirigeants se sont déroulées dans une atmosphère plus détendue qu'il y a un an lors de leur premier tête-à-tête au château de Versailles.

"Est-ce que cette visite est un tournant? En tout cas c'est un échange et une relation qui cherche à élaborer quelque chose de solide et des axes stratégiques", a dit Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse finale vendredi, souhaitant "ancrer la Russie dans notre destin pleinement européen".

"Moi mon souhait c'est qu'on arrive à nouveau à reconverger et à avoir une stratégie européenne commune, ça suppose des étapes intermédiaires, de savoir régler le conflit ukrainien, qu'on sache définir des règles de vie commune", a-t-il ajouté.

A l'heure où la relation transatlantique traverse une zone de turbulences avec la série de décisions unilatérales du président américain Donald Trump, notamment sur le commerce et l'Iran, le chef de l'Etat a insisté sur le fait que ce dialogue avec Moscou n'enlevait "rien à la relation que nous avons avec Washington".

DES CONVERGENCES AFFICHÉES

Laissant de côté les désaccords - les frappes occidentales contre le régime syrien et l'affaire Skripal - le président russe comme le chef de l'Etat français ont insisté sur les points de convergence et les "avancées" sur les dossiers syrien et de l'accord sur le nucléaire iranien de 2015 que Paris comme Moscou tentent de préserver malgré le retrait américain.

Sur ce dernier sujet, Vladimir Poutine s'est dit pour la première fois ouvert sur le principe à la proposition française d'élargir le cadre des discussions à la dimension balistique et à l'activité diplomatique de Téhéran dans la région.

Le chef du Kremlin a toutefois estimé qu'il fallait obtenir l'approbation des autorités iraniennes qui, malgré quelques gestes d'ouvertures, notamment du président iranien Hassan Rohani sur la question du Yémen, se montrent à ce stade assez réticentes.

L'objectif est de "viser à terme un ensemble complet où on aurait l'accord nucléaire de 2015 complété par trois accords ou cadres stratégiques", a déclaré à ses côtés jeudi soir Emmanuel Macron". Je crois pouvoir dire que nous sommes d'accord sur ce sujet".

Sur la Syrie, les deux dirigeants, qui soutiennent des parties différentes dans le conflit, ont annoncé la mise en place d'un mécanisme de coordination commun sur la Syrie entre deux processus concurrents et sont convenus de coopérer sur le plan humanitaire.

Même convergence affichée sur la question du processus de dénucléarisation de la Corée du Nord - qu'ils ont souhaité voir se poursuivre malgré l'annulation du sommet Corée du Nord-Etats-Unis-, sur la question des cyberattaques - ils se sont engagés à échanger des informations - et sur l'avenir de leur relation bilatérale qu'ils veulent renforcer.

CINQUANTAINE DE CONTRATS

Au total, une cinquantaine de contrats et d'accords ont été signés lors de la visite de deux jours du chef de l'Etat français dans l'ancienne capitale impériale russe. Total a notamment signé un accord avec Novatek en vue de prendre une prise de participation directe de 10% dans Arctic LNG 2, le nouveau projet géant de gaz naturel liquéfié promu par le groupe russe.

"La France est notre partenaire traditionnel et nous chérissons les relations avec ce pays et nous entretenons avec M. Macron un dialogue politique intense", a déclaré Vladimir Poutine jeudi, se réjouissant de la hausse des échanges entre les deux pays.

S'exprimant vendredi lors du forum économique de Saint-Petersbourg, dont la France et le Japon étaient cette année les invités d'honneur, Emmanuel Macron a pour sa part appelé les entreprises françaises à investir davantage en Russie et à l'ouverture "de manière plus volontariste" de nouvelles voies pour les start-ups et PME tricolores.

Mais malgré ces gestes de rapprochement - le président français a notamment a écarté tout boycott de la Coupe du monde de football, tranchant avec la décision prise par la Première ministre britannique Theresa May dans le sillage de l'affaire Skripal -, des divergences demeurent.

Sur l'Ukraine, les lignes n'ont pas bougé : le président russe écarte toute restitution de la Crimée, dont l'annexion par Moscou en 2014 n'est pas reconnue par la communauté internationale et a conduit les Européens notamment à adopter une série de sanctions économiques contre la Russie.

Emmanuel Macron a lui une nouvelle fois exclu la levée de ces sanctions tant qu'il n'y aurait pas de "progrès réciproques" de la part de la Russie et de l'Ukraine.

(Avec Marine Pennetier à Paris, édité par Yves Clarisse)