Macron convie les chefs de partis, qui ont surtout remarqué les oublis du président dans son invitation
La gauche s’insurge contre l’absence de débats autour de l’écologie ou de la pauvreté, la droite met l’accent sur l’immigration. Peu de partis semblent prêts à aider le chef de l’État.
La main est « tendue loyalement », selon l’expression utilisée par Emmanuel Macron, dans son courrier aux oppositions pour les inviter à son « initiative politique d’ampleur » : une après-midi de travail et un dîner mercredi 30 août prochain. Elle ne semble pas être saisie avec enthousiasme par les oppositions qui expriment d’ores et déjà des objections au programme.
Dans un lieu qui n’est pas encore annoncé, Emmanuel Macron appelle les groupes parlementaires à « franchir une nouvelle étape d’unité et d’efficacité ». Dans ce courrier, que BFMTV s’est procuré, le président de la République énumère plusieurs défis européens et nationaux : « Guerre en Europe, fin de l’abondance, crise climatique, bouleversements technologiques (...) perte du sens de l’autorité », notamment après les émeutes de juin dernier, et propose un échange en deux temps, au-delà de « la situation internationale » qui sera bien évidemment abordée.
Institutions, pouvoir d’achat, intégration…
D’abord sur « l’organisation territoriale, la décentralisation et les réformes institutionnelles », notamment dans un but d’« efficacité » et de « simplification des procédures » ; ensuite sur « la cohésion de la nation en rassemblant les Françaises et Français autour d’un socle républicain ». « La place de l’école » et « les questions d’intégration, de pouvoir d’achat et d’inégalités » sont également soumises à la discussion.
Un programme qui semble bien incomplet aux oppositions. Pour la plupart en rentrée politique ce week-end, elles n’ont pas manqué de réagir. À l’image du secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, depuis Strasbourg : « Puisque Monsieur Macron invite tout le monde à un séminaire, voilà ce que j’ai envie de lui dire : d’abord, de ravaler sa morgue, d’aller remplir un Caddie, d’aller faire un plein d’essence et d’arrêter de servir la soupe aux riches en taxant les travailleurs et les retraités ! Voilà ce que j’ai à lui dire, et ça prendra pas dix plombes », tonne le leader communiste qui fera entendre la voix des travailleurs : « Il est hors de question de continuer à se faire plumer ! »
« Il est hors de question de continuer à se faire plumer ! »
Cela tombe bien, car dans sa lettre, le président invite chacun à « présenter s’il le souhaite des propositions écrites ou proposer d’autres thèmes de travail ». Marine Tondelier, la patronne des écologistes, ne s’est pas privée. Dans un courrier en réponse au président rendu public, elle pointe « l’absence alarmante des questions écologiques et la maigre place laissée aux questions sociales [qui] en dit long sur sa compréhension des défis contemporains ». « Il semble passer complètement à côté de l’histoire », dénonce la secrétaire nationale d’EELV qui promet d’arriver avec « des propositions concrètes ».
La réponse des écologistes à l'invitation d'Emmanuel Macron ⤵️ pic.twitter.com/kpxi3qTrNI
— EELV (@EELV) August 26, 2023
En duplex sur TF1 ce samedi 26 août, Jean-Luc Mélenchon ironise : « Je pense que cette lettre, il a dû l’écrire depuis la planète Mars », s’étonnant de l’absence de mention des mots « canicule » et « pauvreté » au moment où des Français « tirent la langue » pour acheter les fournitures scolaires de la rentrée.
Le vrai sujet de la rentrée c’est la situation sociale. Il y a 10 millions de pauvres en France qui ne parviennent plus à payer leurs factures.
Je propose la gratuité des fournitures scolaires. Notre jeunesse doit pouvoir vivre et étudier dans des conditions dignes. #Le13H pic.twitter.com/0JHRWUfEPX— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) August 26, 2023
Lors des universités d’été de Blois, le premier secrétaire du PS, Olivier Faure a confié aux Echos : « Ce barnum est surtout destiné à Eric Ciotti car c’est le seul qui a été appelé. Nous sommes des figurants dans cette affaire ». Le député de Seine-et-Marne a néanmoins accepté l’invitation de manière « républicaine » et proposera un référendum sur la réforme des retraites puisque « le Parlement n’a pas pu voter », comme il le confiait à RMC dans la semaine. Une proposition également formulée par le coordinateur de la France Insoumise, Manuel Bompard, depuis les journées d’été du parti dans la Drôme.
Puisque @EmmanuelMacron nous dit que désormais il voudrait soumettre aux Français quelques propositions de référendum, je lui en propose une toute trouvée : un référendum sur la réforme des retraites. pic.twitter.com/To1ES5jTvv
— Olivier Faure (@faureolivier) August 25, 2023
« Ni canicule, ni pauvreté ! »
À droite, Éric Ciotti, seul chef de parti à avoir été appelé longuement par Emmanuel Macron la semaine dernière, s’est ému dimanche 27 août lors de sa rentrée dans les Alpes-Maritimes des « ravages » de l’immigration. Un thème qui n’est pas abordé par le chef de l’État dans son invitation.
Devant ses partisans, le patron de LR a dévoilé les propositions qu’il présentera à Emmanuel Macron, comme un référendum sur la proposition de loi constitutionnelle sur l’immigration déposée par son parti au printemps, la suppression de tous les « droits pour les clandestins », l’uniforme obligatoire à l’école et au collège ou la suppression des allocations pour « les parents ayant manqué à leurs devoirs ». « Nous ne jouerons pas les premiers violons de la symphonie de l’immobilisme ! », prévient le député des Alpes-Maritimes.
« Nous ne serons pas la béquille du président »
Dans la même veine, Jordan Bardella, président du RN, répond favorablement dans Le Point au président mais affiche son scepticisme : « Je ne me fais aucune illusion sur cette initiative, qui s’inscrit dans la longue lignée des “grands débats” sans lendemain et des “refondations” qui n’adviennent jamais. Nous ne serons pas la béquille d’un président à la recherche d’un second souffle ».
Pas sûr que le président, qui affiche pour objectif de bâtir « ensemble » des textes législatifs et ouvrir la voie, « le cas échéant », à des référendums, trouve des voies de compromis avec l’ensemble des oppositions, même s’il semble rester optimiste à la fin de son courrier : « J’ai confiance, comme beaucoup de Français, dans notre capacité à converger sans reniement ni renoncement. »
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