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Macron, bousculé sur la colonisation, persiste et signe

par Jean-François Rosnoblet TOULON, Var, (Reuters) - Emmanuel Macron a reconnu samedi que ses propos sur la colonisation en Algérie avaient pu blesser des harkis et des rapatriés mais sans les renier, insistant sur la nécessité pour la France de regarder en face son "passé complexe" pour avancer. La polémique déclenchée par ses déclarations à un média algérien assimilant la colonisation à un "crime contre l'humanité" a poursuivi le leader d'"En marche" tout au long de sa tournée de deux jours dans le sud-est de la France, où la population d'origine pieds-noirs est nombreuse. Une centaine de manifestants ont tenté samedi de bloquer les accès du Zénith de Toulon avant son meeting, Emmanuel Macron mettant en cause la responsabilité du Front national, qui a empêché selon lui des centaines de personnes d'entrer dans la salle. Il a consacré une bonne partie de son discours d'une heure trente, prononcé devant 1.200 personnes, à ses propositions en matière de sécurité éventées la veille lors d'une visite à Carpentras, dans le Vaucluse. Mais l'ancien ministre de l'Economie est aussi revenu sur la polémique qui a pollué sa campagne cette semaine au moment où il commence à marquer le pas dans les sondages d'opinion. "J'ai dit les responsabilités de la France quant à son passé colonial" et pas seulement en Algérie, a-t-il déclaré. "Oui c'est un passé dans lequel il y a des crimes contre l'humain, il y a des crimes graves, de la barbarie (...) si on ne regarde pas ce passé en face, est-ce qu'on peut construire l'avenir ? Je ne le crois pas", a-t-il ajouté, en insistant aussi sur le "travail formidable" réalisé par des Français en Algérie. Il a reconnu qu'il avait pu "blesser" par ses déclarations, qui lui ont valu des "lettres bouleversantes", parce que "ce sont des mémoires chaudes" pour beaucoup, mais a souligné que sa mise en cause ne visait pas des personnes mais "les choix et la responsabilité de l'Etat français". "Notre pays a ses divisions qui sont irrationnelles. La responsabilité de quelqu'un qui prétend aux plus hautes fonctions est d'essayer de réconcilier, d'aller au delà de ces divisions, de ces passions", a-t-il encore dit, ajoutant: "Alors pardon pour les passionnés, pardon de vous avoir fait mal parce ce n'est pas ce que je voulais ! Mais en même temps, comprenez que j'assume pleinement le discours de vérité que j'ai porté, mais dans sa complexité (...) parce que ce que je veux, c'est que nous allions de l'avant." TOLÉRANCE ZÉRO Côté sécurité, l'ancien ministre a dit vouloir mener la bataille contre la menace terroriste, d'abord à l'étranger, où il défend une politique de "lutte absolue contre le djihadisme et le terrorisme islamiste", puis en Europe, dont les moyens de surveillance aux frontières doivent être renforcés. "La solution, elle n'est pas chez celles ou ceux qui vous promettent aujourd’hui de refermer les frontières. La solution est dans une politique européenne de sécurité", a-t-il déclaré. S'agissant de la France, il s'est engagé à créer 10.000 postes de policiers et de gendarmes et veut renforcer les renseignements sur le terrain, critiquant la suppression des Renseignements généraux sous Nicolas Sarkozy et son Premier ministre François Fillon. Il a également reproché à l'ancien chef de l'Etat la suppression de la police de proximité, qu'il veut rétablir dans les quartiers sensibles, avant de revenir sur sa conception de la "tolérance zéro" développée la veille à Carpentras. Il s'est encore démarqué de François Fillon en rejetant l'idée d'une majorité pénale à 16 ans avancée par le candidat du parti Les Républicains. Il a fait allusion aux ennuis de son concurrent en critiquant les responsables politiques qui dénoncent la partialité de la justice parce qu'elle s'attaque à eux, demandant: "Est-ce que ces gens-là peuvent prétendre être les garants des institutions ?" L'ancien directeur général de l'Organisation mondiale du Commerce, Pascal Lamy, était au premier rang du meeting d'Emmanuel Macron qui, pressé de dévoiler son programme, a maintenu son agenda, à savoir une présentation en mars de son "contrat avec la nation". Il doit auparavant donner mercredi prochain le cadrage budgétaire de son programme et a promis à cette occasion de présenter ses propositions sur une trajectoire "de sérieux budgétaire" de la dette publique de la France et des moyens de la respecter. (avec Yann Le Guernigou à Paris; édité par Henri-Pierre André)