Publicité

«Le Maître et Marguerite», diablement ambigu

A la Tempête avant le off d’Avignon, Igor Mendjisky condense le célèbre roman russe en un best-of Boulgakov plutôt malin mais sans grands enjeux.

Longiligne comme une flamme, le diable entre en scène. Parlant de sa voix traînante et serpentine, il se meut (plus qu’il ne bouge) avec son flegme aristocratique, ses cheveux mi-longs négligemment rejetés en arrière et son pantalon de tweed à carreaux juste assez moulant pour dessiner la courbe élégante d’un cul ferme et bombé. C’est l’acteur Romain Cottard, en séducteur impeccable dans cette adaptation qu’Igor Mendjisky propose du Maître et Marguerite, roman maudit de Mikhaïl Boulgakov où le diable, déboulant à Moscou dans la peau d’un professeur de magie, s’amuse à faire disjoncter l’appareil d’Etat soviétique. L’œuvre a déjà été triturée par les plus fameux (Frank Castorf, Krystian Lupa, Simon McBurney) au point d’être aujourd’hui entourée d’une aura mythique : au royaume du théâtre, qui saura l’adapter pourra être couronné prince. Il faut dire que le texte est un véritable défi de mise en scène, une diablerie littéraire oscillant entre farce écervelée et fable philosophique, où les têtes coupées continuent à jacter, où les chats discutent philo en buvant de la vodka et où les amoureuses éplorées volent sur des balais de sorcière à la recherche de leurs amants lunatiques.

Avec un certain respect de la matière textuelle et narrative, Igor Mendjisky fait le choix de la coupe plutôt que de la réécriture complète du roman. Une demi-mesure qui offre une succession des séquences les plus fameuses, lesquelles s’enchaînent avec fluidité en moins de deux heures. La maîtrise scénique est indubitable, mais c’est précisément là que la frustration pointe. Egratigner le texte plutôt que le lacérer : ça produit le sentiment d’assister à un «digest» de l’œuvre de Boulgakov, une anthologie des immanquables qui sacrifie l’acte d’appropriation pour se contenter de raconter (pas toujours clairement) l’histoire. Les enjeux du texte se (...)

Lire la suite sur Liberation.fr

Marco Berrettini, extases tantriques
«L’Oiseau vert», envol de bon augure
Milo Rau, le Gand manitou
Karim Bel Kacem, de l’art en barres
Le Living Théâtre, toujours envie ?