"Dans le même parti mais ça se voit de moins en moins": les députés et les sénateurs LR divisés sur les retraites

Olivier Marleix et Bruno Retailleau le 13 octobre 2022 à Matignon  - Bertrand GUAY / AFP
Olivier Marleix et Bruno Retailleau le 13 octobre 2022 à Matignon - Bertrand GUAY / AFP

Deux salles, deux ambiances. Si au Sénat les sénateurs de droite ont largement voté en faveur de la réforme des retraites, les députés Les Républicains se sont, eux, divisés. De quoi faire exploser encore un peu plus une famille politique déjà très mal en point.

"On est dans le même parti mais ça se voit de moins en moins", résume le sénateur Roger Karoutchi, ancien ministre de Nicolas Sarkozy et figure respectée des LR.

Unisson et dissonance

À la chambre haute, le gouvernement a pu s'appuyer sur la droite pour parvenir à faire adopter sa réforme. Quelques voix ont bien manqué - 6 sénateurs ont voté contre et 18 se sont abstenus sur 145 parlementaires - samedi soir au moment du vote final, mais les LR ont affiché un visage relativement uni.

Il faut dire que cela fait plusieurs années que le Palais du Luxembourg repousse l'âge de départ dans le budget de la sécurité sociale. Rien de semblable au Palais-Bourbon.

Si Éric Ciotti, le nouveau patron des LR et Olivier Marleix, le numéro 1 du groupe, soutiennent tous deux la réforme, une dizaine de députés sont contre et une poignée d'entre eux envisage de s'abstenir lors du probable vote du texte jeudi, soit au moins un tiers des troupes.

"Chacun a sa propre boutique"

Pour expliquer ces fortes divergences, l'argument le plus avancé est celui du contexte très particulier des législatives. Après une présidentielle catastrophique et le score famélique de 4,7% de Valérie Pécresse, 61 députés ont été élus ou réélus en l'absence d'une vraie campagne des législatives à droite. Autant dire un résultat quasi inespéré. Résultat: des députés qui se considèrent peu liés à leur groupe politique.

"On a 60 autoentrepreneurs, chacun au service de sa boutique et de ses propres intérêts. Ce n'est pas nouveau mais avant, ça concernait seulement quelques députés. Là, c'est désormais très partagé", regrette un député LR, proche d'Olivier Marleix.

"Ne pas prendre le moindre risque électoral"

À cela s'ajoute le contexte social, entre fort rejet de la réforme des retraites par les Français de sondages en sondages et une certaine pression syndicale alors que plusieurs permanences de LR ont été visées par des coupures d'électricité.

"Des députés de notre camp se disent qu'il peut y avoir bientôt une dissolution et refusent de prendre le moindre risque électoral, ce qui amène forcément à ne pas vouloir être associés à la retraite à 64 ans", admet le sénateur LR Étienne Blanc.

Les élus de la chambre haute ne sont pas non plus dépourvus de calcul politique. À l'approche des sénatoriales en septembre prochain, Bruno Retailleau, le patron des sénateurs LR, a déjà prévenu que ceux qui ne soutenaient pas la réforme ne seraient pas investis.

"Pas envie de calculer" Larcher

La menace a manifestement payé: parmi ceux qui ont voté contre, rares sont ceux à devoir affronter le scrutin des urnes à la rentrée (le Sénat est renouvelable par moitié tous les 3 ans NDLR). La figure tutélaire de Gérard Larcher, très respecté au Sénat et qui soutient la réforme, a également pesé dans la balance, contrairement à l'Assemblée nationale.

"Gérard Larcher, je ne le connais pas, je n'ai fait que le croiser. Quant à Bruno Retailleau, il est au Sénat, c'est très bien mais je ne lui dois rien. Il faut arrêter de croire qu'ils vont tous régler à eux deux. On n'a pas forcément envie de les calculer", balance un député LR, élu pour la première fois en juin dernier.

Dans les rangs de la droite, certains pointent aussi la volonté de se démarquer du député du Lot Aurélien Pradié. Candidat défait lors de la course à la présidence des LR à l'automne dernier, c'est lui et ses lieutenants qui ont croisé le fer avec l'exécutif sur le dispositif des carrières longues.

"Un petit jeu pour ceux qui préparent 2027'

Au grand dam d'Éric Ciotti qui a fini par le limoger de son poste de numéro 2 après que le jeune homme a été applaudi par la Nupes pour avoir demandé des précisions à Olivier Dussopt sur la retraite des salariés qui ont commencé à travailler avant 21 ans.

"Il y a un petit jeu de certains qui préparent 2027 et qui ont fait d'une pierre deux coups: à la fois s'opposer à Emmanuel Macron et affaiblir Éric Ciotti et donc par ricochet Laurent Wauquiez", décrypte le député Alexandre Vincendet, un proche du président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes.

Vers une implosion du groupe en cas de motion de censure?

Un élu qui apprécie Aurélien Pradié juge pourtant que le Lotois "a levé un lièvre" avec les carrières longues, obligeant le gouvernement à améliorer son texte en la matière.

"On est là pour faire de la politique, on en fait. Pas plus mais pas moins et on n'a aucune raison de faire un cadeau à l'Élysée", ajoute cet élu.

En attendant, certains à droite craignent l'implosion du groupe dans les prochains jours. Des députés LR envisagent même de déposer une motion de censure qui pourrait être signée par des élus d'autres bords politiques en cas de 49.3, au grand dam de ceux qui soutiennent la réforme.

Pour tenter d'apaiser les esprits, deux réunions de groupe sont prévues: une ce mardi, comme chaque semaine, mais aussi une autre ce mercredi, d'après des informations de BFMTV.com. Avec un objectif: adopter une position commune d'ici le retour de la réforme à l'Assemblée nationale. Et éviter une scission du groupe.

Article original publié sur BFMTV.com