"Mélenchon à Matignon, ça aurait de la gueule": comment LFI espère rafler la mise aux législatives
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Nouvel objectif: le "troisième tour". Après avoir été éliminés au premier tour de l'élection présidentielle avec un peu moins de 22% des voix, Jean-Luc Mélenchon et ses soutiens ont dû ravaler leur frustration. Sans attendre l'issue du duel entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen de dimanche, ils ont activement préparé la suite dès le 10 avril, avec un mot d'ordre, résumé par le député insoumis Alexis Corbière: "Ne pas se diviser sur ce second tour et regarder vers l'avenir."
Une fois rabâché le "pas une voix à Marine Le Pen" - sans appel explicite à voter Emmanuel Macron -, la France Insoumise a démarré ses tractations pour les législatives de juin prochain. Avec pour idée de remporter ce "troisième tour" de l'élection présidentielle et d'imposer ainsi une cohabitation à Emmanuel Macron, vainqueur ce dimanche avec 58,54% des voix.
"Je demande aux Français de m'élire Premier ministre", a ainsi exhorté Jean-Luc Mélenchon sur BFMTV dans l'entre-deux-tours.
"Le 12 et 19 juin ont lieu les élections législatives", a-t-il encore martélé ce dimanche soir après l'annonce des résultats du second tour. "Vous pouvez battre Monsieur Macron et choisir un autre chemin. Le 12 et 19 juin, un autre monde est encore possible si vous élisez une majorité de députés de la nouvelle union populaire qui doit s'élargir."
"La vague d’espoir est très très forte pour l'après", assure l'eurodéputée Manon Aubry auprès de BFMTV.
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Rassembler la gauche...
Quelques jours après le premier tour, LFI a écrit aux communistes, au NPA et aux écologistes pour leur proposer de discuter ensemble. L'objectif? "Créer une majorité populaire et écologiste aux législatives", a résumé le député Éric Coquerel dimanche 17 avril sur France Info. En clair, se mettre d'accord sur un maximum d'investitures pour gagner un maximum de circonscriptions, sans guerre intestine.
Les trois partis largement perdants se sont empressés d'accepter dans un premier temps la main tendue. Certains avec plus d'allant que d'autres, comme le maire écolo de Grenoble, Éric Piolle, qui n'a pas hésité à s'exclamer dans un entretien à L'Humanité jeudi dernier: "Jean-Luc Mélenchon peut structurer l’arc humaniste!"
Le PS, pour l'instant écarté, a montré son envie de participer au raout après que la résolution du Premier secrétaire d'Olivier Faure sur une discussion de principe avec les Insoumis a obtenu - non sans mal - une large majorité de voix. Mais la balle est dans le camp des socialistes pour les Insoumis.
"On ne va pas risquer le succès de Jean-Luc avec des alliances où l'on ne se retrouve pas", nous prévient Éric Coquerel.
Le silence d'Anne Hidalgo qui n'avait pas appelé à voter Mélenchon en cas de second tour face à Macron est resté dans les mémoires et les autres sujets de brouilles sont légions.
Un programme commun, celui de Mélenchon
Malheur aux vaincus. S'ils veulent rejoindre l'union, les autres partis sont appelés à se plier aux exigences des Insoumis. Au nom du refus des "tambouilles" politiciennes, LFI impose en effet de stricts préalables, à commencer par un accord sur un programme unique fondé sur celui de "L’avenir en commun".
Les bases de l'accord, publié sur le site de l'Union populaire, sont fermes: retraite à 60 ans, "contre-réformes" du Code du travail et de l'assurance-chômage, augmentation du Smic à 1400 euros net, "planification écologique", VIe République, abrogation des lois séparatisme, sécurité globale et du pass sanitaire, "désobéissance avec les règles européennes incompatibles avec nos propositions"... La liste est longue.
"Si sur certains points il faut discuter, on peut discuter, mais par contre il y a des sujets sur lesquels on ne peut pas discuter parce que ce sont des sujets majeurs", a résumé jeudi soir Manuel Bompard, directeur de campagne de Mélenchon et négociateur en chef du rassemblement en vue des législatives.
"La retraite à 60 ans, on ne bougera pas", a-t-il insisté. "La VIe République, on a fait campagne dessus… (...) La planification écologique, la désobéissance avec les traités européennes… Ça, ce sont des points sur lesquels on sera inflexibles (...) pour une raison de cohérence entre la campagne des législatives et la campagne présidentielle." "On a fixé des bornes politiques, avec des points non-négociables. Aux partis ensuite de voir s'ils sont capables de les remplir", abonde l'eurodéputée Manon Aubry.
"Sur cette base, nous réaffirmons notre volonté d’échanger avec toutes celles et tous ceux qui le souhaitent, sans volonté hégémonique ni exigence de ralliement", propose la déclaration de l'Union populaire.
Le parti a également demandé aux écolos et aux communistes de s’engager "à cesser les attaques" et à "s’en expliquer devant les électeurs qui ont cru à (leurs) propos, afin qu’ils puissent être convaincus de se rassembler.” Des excuses publiques en quelques sortes, avant de finalement céder sur ce point jeudi dernier.
"EELV, c'est un peu quitte ou double"
La porte-parole des Verts, Éva Sas est confiante: "On a beaucoup de points communs. Sur des sujets comme le social par exemple, ça ne va pas être difficile de se mettre d'accord", explique-t-elle à BFMTV.com. Sans accord, les Verts présenteront leurs propres candidats, affirme la conseillère politique de Yannick Jadot. La porte à une entente partielle "sur une partie des circonscriptions" - "comme en 2017 avec le PS" - n'est pas non plus fermée.
Chez LFI, on reste méfiant. "EELV, c’est un peu quitte ou double: soit ils espèrent se redorer la cerise comme en 2019, renaître de leurs cendres et faire une tentative hégémonique en repartant de zéro, soit ils apprennent de leurs erreurs. On ne peut pas choisir pour eux", grince-t-on chez certains députés LFI.
Des échos dissonants balayés par le leader de l'Union populaire à deux jours du premier tour et à l'issue de premières discussions vendredi. En visite au Salon du Livre, Jean-Luc Mélenchon s'est réjoui auprès de l'AFP de "discussions" avec les écologistes qui "avancent mieux" que ce qu'il pensait.
"Il aura suffi de rencontres informelles pour mettre de côté les contentieux", a-t-il salué. "Ça a été très vite, c'est ça le plus surprenant, cet après-midi ils discutent encore, il y a plusieurs groupes de travail", a-t-il ajouté.
Lors d’une réunion la veille, les écologistes ne s'étaient pas opposés à un label commun autour de l’Union populaire. Ni à une participation à un parlement interne à la coalition, que Jean-Luc Mélenchon avait déjà mis en place pour sa campagne présidentielle.
De premiers accrochages
Les communistes laissent en revanche le leader insoumis dans le flou: "C'est étrange, c'est surtout entre eux qu'il y a une discussion je crois, je l'espère parce que comme c'est là ça va pas le faire", a-t-il prévenu. "Hier il y avait une discussion, les choses étaient bien avancées et on écoute Fabien Roussel c'est pas la même chose... Il peut pas y avoir 36 lignes!"
La veille, depuis le siège du PCF, Fabien Roussel avait posé ses conditions et trouvé "inacceptable" la première proposition faite par les Insoumis – 41 circonscriptions réservées aux communistes – lors d’une réunion le lundi de Pâques. "C’est une position de début de négo, un truc inacceptable", rétorque-t-il, cité par L'Obs.
L'outsider de cette campagne à l'extrême gauche a invité à une conférence commune de toute la gauche "dès ce lundi" dans "un lieu neutre" pour discuter sans plus attendre sur un accord global.
Quant au NPA, "c'est pas possible, ils veulent faire campagne avec leurs propres mots d'ordre... Il faut qu'ils comprennent qu'on fait pas un congrès du NPA", a alerté Mélenchon.
"Mélenchon à Matignon, ça aurait de la gueule, non?"
Si elle se concrétise, l'Union populaire à gauche a-t-elle une réelle chance? Le groupe La France insoumise compte aujourd'hui 17 élus à l'Assemblée nationale. Difficile de prédire les résultats des prochaines élections, mais les résultats du premier tour de l'élection présidentielle donnent une première indication. Jean-Luc Mélenchon est arrivé en tête dans 104 circonscriptions contre 206 pour Marine Le Pen et 256 pour Emmanuel Macron.
Plus globalement, l'insoumis est majoritaire à lui seul dans 21 circonscriptions, notamment en Seine-Saint-Denis et en outre-mer. Il obtient plus d'un tiers des suffrages dans 71 circonscriptions - ce qui pourrait, là aussi, placer des candidats LFI ou assimilés en position de force en cas de triangulaire en juin prochain. Mais il faudra effectivement rassembler bien plus largement pour envisager une majorité.
"Mélenchon à Matignon, ça aurait de la gueule, non?", s'enthousiasme tout de même Manon Aubry. Afin d'imposer cette cohabitation, Manuel Bompard a annoncé vendredi à nos confrère de l'AFP qu'un accord pourrait être trouvé dès la fin de semaine avec les communistes et les écologistes.
Cela paraît court pour aplanir les différends des dernières années, mais "le score de Jean-Luc Mélenchon a produit un électrochoc", a assuré le député européen.
Quant à 2027, le candidat insoumis a pour l'instant doucement fermé la porte aux plans sur la comète: "À l'heure où je vous parle, je ne crois pas à ça", a-t-il déclaré la semaine dernière sur notre antenne.