"Ma mère dit qu'il aurait fallu me mettre en prison": la journaliste anti-Poutine déplore une fracture générationnelle en Russie
Un discours particulièrement scruté. En ce 9-Mai, Vladimir Poutine s'exprimait depuis la place Rouge lors des commémorations du "jour de la Victoire". Sur BFMTV, la journaliste et dissidente russe Marina Ovsiannikova est revenue sur le contenu de l'allocution du président russe, après que celui-ci a notamment accusé les "élites occidentales mondialisées" de "monter les peuples les uns contre les autres" et de "provoquer des conflits sanglants".
Cette journaliste russe s'était fait connaître le 14 mars 2022 en affichant publiquement son désaccord avec la guerre menée par Vladimir Poutine en Ukraine. Sur le plateau de la chaîne de télévision Pervy Kanal (la Première Chaîne), lors du journal télévisé, elle avait brandi une pancarte face caméra, sur laquelle était notamment inscrite la phrase "No War" ("Pas de guerre").
Questionnée à l'issue du discours du chef de l'État russe, la journaliste, depuis réfugiée en France, a estimé n'avoir "rien entendu de nouveau dans le discours de Poutine". "Il inverse la réalité et crée une réalité parallèle. Il dit que la Russie est encerclée, qu'on a attaqué la Russie. Pour préserver le pouvoir, Poutine a besoin de créer des ennemis intérieurs et extérieurs, c'est ce que nous avons entendu", a-t-elle avancé, faisant référence aux propos de Vladimir Poutine qui accuse les pays occidentaux d'être aux manettes de la guerre en Ukraine.
"La propagande russe est prête et très efficace. Elle présente le mal en bien, c'est pourquoi aujourd'hui les Russes sont des bourreaux qui sont venus attaquer les Ukrainiens", a estimé Marina Ovsiannikova.
Un défilé au rabais
Le défilé militaire qui a suivi l'allocution du président russe a pu sembler court aux yeux des spécialistes. Et pour Marina Ovsiannikova, cette parade censée démontrer la puissance militaire n'a pas permis d'inverser la vapeur quant aux doutes émis sur la santé de la force de frappe russe, bien au contraire.
"Les derniers événements nous ont montré que la Russie ne peut pas être fière de son armée. Cette armée de Poutine a été discréditée. (...) En Russie, aujourd'hui, des mesures de sécurité sans précédent ont été adoptées. On n'a même pas montré les répétitions du défilé sur la grande chaîne de télévision russe car on a peur qu'il y ait des attaques", a lancé la journaliste.
D'ailleurs, selon elle, c'est même la peur qui habite les autorités russes actuellement. Afin de prouver cela, Marina Ovsiannikova prend l'exemple du "défilé du régiment immortel", traditionnelle parade des familles de soldats disparus, tenant les portraits de leurs proches. Selon elle, le défilé a été annulé, car "le pouvoir russe a eu peur que des personnes (...) présentent des portraits de leurs proches qui sont morts dans cette guerre et qu'ils montrent au monde la réalité des pertes russes en Ukraine".
Ovsiannikova ne croît pas à "l'avenir pacifique" voulu par Poutine
Au cours de son discours devant le peuple russe, Vladimir Poutine a malgré tout soufflé le froid et le chaud, accusant l'Occident de vouloir "parvenir à l'effondrement et à la destruction" de la Russie, mais assurant dans le même temps vouloir "un avenir pacifique, libre et stable". Pourtant, la journaliste russe ne croit pas au discours d'ouverture du président russe.
"Les événements que nous avons observés le 24 février 2022 ont rendu impossible l'idée d'un avenir pacifique. Sa rhétorique est impossible, alors que la Russie est un agresseur puisque dans la nuit elle a attaqué l'Ukraine en cherchant à occuper tout le territoire ukrainien", a rappelé Marina Ovsiannikova.
Prenant son cas personnel pour exemple, Marina Ovsiannikova est également revenue sur les conséquences du conflit, qui "a divisé beaucoup de familles". Selon elle, les jeunes générations sont "opposées à la guerre" tandis que "les personnes plus âgées soutiennent Poutine".
"Ma mère soutient Poutine et elle dit même qu'il aurait fallu me mettre en prison", dit-elle.
"Malheureusement la propagande fonctionne très bien en Russie. (...) On a lavé le cerveau de certaines personnes, qui considèrent que la Russie est encerclée d'ennemis et que seul Poutine les sauvera de cette situation", poursuit Marina Ovsiannikova.
Alors, selon elle, pour tenter de faire changer la tendance, "il faut avant tout conquérir les esprits des Russes, car en Russie il est très difficile d'obtenir de véritables informations".