Mélenchon attaque les "délires racialistes ou religieux" pour tancer Zemmour... et recadrer son parti

Jean-Luc Mélenchon, le 17 juin 2021 à Ingrandes - GUILLAUME SOUVANT © 2019 AFP
Jean-Luc Mélenchon, le 17 juin 2021 à Ingrandes - GUILLAUME SOUVANT © 2019 AFP

Une attaque contre Éric Zemmour mais également une clarification vis-à-vis de son propre camp. "L'élection présidentielle se jouera sur la question sociale et pas du tout sur les délires racialistes ou religieux", promet Jean-Luc Mélenchon ce dimanche matin dans les colonnes de La Montagne.

Le candidat à la présidentielle vise d'abord à disqualifier le polémiste dont les propos tournent principalement autour de l'immigration.

Parler du social

L'ancien ministre a décliné la semaine dernière sur BFMTV les principaux axes de son programme, résolument tourné, lui, vers le social: SMIC à 1400 euros, retour du prix des carburants avant la hausse des tarifs, âge de départ à la retraite à 60 ans...

Le député des Bouches-du-Rhône espère ainsi coller aux attentes des Français qui placent le pouvoir d'achat en tête de leurs préoccupations d'après un sondage Elabe-BFMTV.

Une confrontation avec Zemmour qui "a électrisé les gens"

Plus largement, le parlementaire tente de se placer en opposant numéro 1 au polémiste, depuis son débat face à l'essayiste sur notre antenne. Le duel a pourtant causé bien des remous à gauche: Yannick Jadot y a, par exemple, vu une "faute politique".

"Ceux qui en ont discuté l'intérêt ne voyaient pas à quel point leur posture était totalement hors sol. Ils n'ont pas compris combien la dignité des millions de gens a été offensée par Eric Zemmour sans qu'il n'y ait jamais eu de réplique (...). On voit que cette confrontation a électrisé les gens qui s'intéressent à la vie collective", a répondu l'élu dans un entretien à L'Opinion le 1er octobre dernier.

Deux lignes qui cohabitent chez les insoumis

Mais ses propos dans La Montagne nourrissent un autre besoin: éviter toute attaque sur la ligne politique de son parti, que certains jugent fracturé sur les questions religieuses et raciales.

Depuis la création de la France insoumise en 2016, le mouvement est tiraillé entre deux visions de la laïcité. L’une, classique, qui estime qu'elle est un "pilier de la République, une et indivisible" d'après le programme de la présidentielle de 2017. Et une autre, plus "accommodante" selon ses détracteurs, "moins stigmatisante" selon la frange la plus à gauche du parti.

En toile de fond, la bataille se joue sur le terme "islamophobie", longtemps rejeté par les mélenchonistes historiques qui y voyaient un terme qui empêchaient de critiquer les religions. Puis Jean-Luc Mélenchon a évolué sur le sujet, jusqu'à participer à la "marche contre l'islamophobie" à l'automne 2019. Au grand dam de certains dans son entourage.

Une histoire liée à l'antiracisme

C'est que la France insoumise évolue sur une ligne de crête. Le mouvement réalise de bons scores électoraux dans les quartiers populaires. Six députés sur les dix-sept que compte le groupe ont été élus en banlieue parisienne.

"L’électorat est coupé en deux entre ceux qui sont pour une laïcité de combat et ceux qui sont contre la stigmatisation des musulmans. Cependant, l’électorat LFI reste globalement fidèle à son positionnement initial et à l’histoire de la gauche antiraciste, anticoloniale", estime le politologue Jérôme Fourquet de l'Ifop au Le Monde.

La prise de position du candidat dans La Montagne se situe toutefois dans une séquence politique plus large, celle du "wokisme". Alors que les polémiques autour de la "cancel culture" ("culture de l'annulation) se sont multipliées ces dernières semaines, le monde politique s'est emparé du terme "woke". Ce mot, qui signifie initialement "être éveillé aux inégalités", est devenu pour certains dans le débat français un synonyme de "gauchisme".

"Discuter des idées, une liberté fondamentale"

Pas question donc pour l'Insoumis de prêter le front à ce type d'accusations.

"Discuter des idées est une liberté fondamentale. Alors on peut avoir des idées qui nous horripilent, qui nous scandalisent mais on doit pouvoir parler ! (...) que Zemmour vienne expliquer sa théorie selon laquelle les femmes ont moins d'intelligence que les hommes, ça m'intéresse que les gens puissent l'entendre et se dire: 'ah bon, il croit réellement ça!'", a clarifié Jean-Luc Mélenchon dans Têtu l'été dernier.

La stratégie semble pour l'instant fonctionner. Jean-Luc Mélenchon est le premier des candidats de gauche dans les sondages.

Article original publié sur BFMTV.com