Lyes Louffok en Isère : pourquoi la gauche s’accroche à cette élection pourtant mal embarquée
POLITIQUE - Isère pas tant que ça. Une semaine après le premier tour de l’élection législative partielle, les habitants de la 1ère circonscription de l’Isère (Grenoble et ses environs cossus), sont appelés aux urnes ce dimanche 20 janvier pour choisir leur nouveau député. Qui de l’insoumis Lyes Louffok ou de la macroniste Camille Galliard-Minier rejoindra l’Assemblée ?
La seconde, ancienne suppléante d’Olivier Véran, est favorite. Certes, elle est arrivée en deuxième position dimanche dernier (500 bulletins derrière son concurrent), mais les éventuels reports de voix lui sont clairement favorables. Trois des principaux candidats (LR, centriste et ciottiste) ont effectivement appelé leurs électeurs à la soutenir pour éviter le succès du finaliste de gauche. Au total, sa réserve représente quelque 10 000 voix.
Les insoumis, qui ont investi leur candidat au nom de l’accord de répartition qu’ils ont conclu avec la gauche l’été dernier, sont les premiers à reconnaître l’ampleur de la tâche. « La configuration est difficile pour nous, c’est vrai. C’est une circonscription historiquement à droite et c’est toujours compliqué pour nous de mobiliser notre électorat pour une partielle », a par exemple admis le coordinateur du mouvement Manuel Bompard au cours de la semaine.
Les équilibres gelés
Alors pourquoi s’entêter ? Pourquoi mobiliser autant de personnalités et d’élus sur le terrain pour battre une campagne si mal embarquée (plusieurs dizaines de députés LFI se sont relayées sur les marchés) ? Pourquoi Lucie Castets (ancienne candidate du NFP pour Matignon) et Marine Tondelier, la cheffe des écologistes, se sont retrouvées à tracter pour une élection qui ne bouleversera, en rien, les équilibres à l’Assemblée nationale ?
C’est un fait : quelle que soit l’issue, le vote de dimanche ne permettra pas à l’alliance du Nouveau Front populaire d’accroître l’avance (en sièges) qu’elle a obtenue en juillet dernier, ni de revendiquer une majorité absolue au Palais Bourbon. À l’inverse, il ne permettra pas non plus aux macronistes de rattraper leur retard et de dépasser la barre symbolique des 100 députés. Mais l’essentiel n’est pas là.
Pour la gauche et le bloc central, la bataille locale prend désormais des allures de symbole national. En juillet dernier, l’insoumis Hugo Prevost - porté par la dynamique du NFP - avait réussi à ravir le siège de l’ancien ministre de la Santé Olivier Véran, avant de démissionner à l’automne après des accusations de violences sexuelles.
Six mois après ce succès électoral, force est de constater qu’une débâcle dans les urnes pourra être significative. Outre la baisse de la participation, qui touche toutes les chapelles, le score réalisé par Lyes Louffok sera un bon thermomètre de l’état de la gauche, et de son image au sein de la population après des mois rocambolesques à l’Assemblée nationale.
Test de dynamique et d’image
Or, pour l’heure, les signaux sont plutôt rouges. Dimanche dernier, le militant des droits de l’enfance a récolté 28 % des voix, quand Hugo Prévost avait réalisé 40 % en juillet. À titre de comparaison, la candidate macroniste a perdu moins de plumes et sa rivale Les Républicains a même grappillé 10 %. Malgré l’abstention, elle a su convaincre 700 électeurs de plus qu’il y a six mois, quand la gauche en a égaré... 17 000. Rude.
Dans ce contexte, Lyes Louffok et le Nouveau Front populaire seront-ils sauvés par un « regain de participation », selon les mots de Lucie Castets sur place jeudi ? Si le scrutin est un test évident pour le Nouveau Front populaire et sa stratégie depuis juillet dans sa globalité, il l’est également pour la solidité des liens entre l’électorat dit modéré et l’électoral radical. Entre le PS et LFI, entre ces deux gauches que beaucoup aimeraient voir irréconciliables, au moins dans les urnes.
La circonscription en question, qui penche traditionnellement à droite ou au centre droit, n’est pas fermée à la gauche modérée pour autant. Or, l’électorat social-démocrate pourrait faire défaut à Lyes Louffok à l’heure où Raphaël Glucksmann a refusé de le soutenir et au moment où les socialistes et les insoumis s’invectivent violemment dans les médias et les réseaux sociaux. De quoi compliquer sa tâche encore davantage, malgré l’appui de plusieurs figures du PS, comme la sénatrice Laurence Rossignol.
Quoi qu’il arrive, on comprend aisément les récits qui seront faits de chaque côté après ce scrutin. Au Nouveau Front populaire, une victoire (inattendue) sera présentée comme la preuve du bien-fondé de la stratégie à l’œuvre depuis des mois. Chez les macronistes, on interprétera un succès comme le signe d’une nouvelle dynamique gagnante après l’enfer de juillet et le reflet d’une prime accordée aux forces « constructives. » L’entêtement s’entend.
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