Lutte contre l'islamisme: que sont les "visites domiciliaires", ces contrôles annoncés par Darmanin?

Gérald Darmaninà l'Elysée le 23 septembre 2020 - GEOFFROY VAN DER HASSELT © 2019 AFP
Gérald Darmaninà l'Elysée le 23 septembre 2020 - GEOFFROY VAN DER HASSELT © 2019 AFP

Depuis l’attentat commis à l’encontre du professeur Samuel Paty, les autorités ont un mot d’ordre: venir à bout de l’idéologie islamiste. "Ce que l'on souhaite, c'est harceler cette mouvance, la déstabiliser, avec beaucoup de détermination", a résumé lundi l'entourage de Gérald Darmanin.

"Il faut réduire ces nuisibles", ajoute-t-on.

Parmi l’arsenal mis à la disposition des forces de police: les visites domiciliaires. Créés en 2017 par la loi sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (Silt) de Gérard Collomb, ces contrôles relèvent de procédures administratives et "offrent une possibilité d'intervention en amont d'une procédure judiciaire, lorsque les éléments constitutifs d'une infraction terroriste ne sont pas encore réunis", résume un rapport du Sénat rendu le 26 février 2020.

"Perturber un environnement"

Une quarantaine de visites ont été effectuées lundi dans "une douzaine de départements", dont "beaucoup en Ile-de-France", indique l’entourage du ministre qui compte diligenter une vingtaine de contrôles quotidiens. Si l'une d'entre elles a donné lieu à "une garde à vue", ces visites "ne sont pas directement liées" à l'enquête antiterroriste sur l'assassinat de Samuel Paty.

Il s’agit en effet de viser plus largement des personnes signalées pour leur radicalisation et qui sont actives sur le sujet via les réseaux sociaux ou des prêches. Des écoles ou encore des associations cultuelles peuvent également être concernées par ces visites domiciliaires.

"Tant qu'il y en a faire, on les fera, l'idée n'est pas de s'arrêter au bout d'une semaine", poursuit l’entourage du ministre de l’Intérieur. "Le but est de perturber un environnement avec l’espoir de trouver quelque chose qui apporte de la matière aux renseignements généraux."

149 visites domiciliaires entre 2017 et 2019

Entre le 1er novembre 2017 et le 31 décembre 2019, 149 visites ont été réalisées, autorisées par le juge des libertés et de la détention et pour la plupart (87 sur 149) réclamées par la Direction générale de la sécurité intérieure, souligne le rapport du Sénat. "Le reste des visites domiciliaires a été mené par les antennes du renseignement territorial et, dans une moindre mesure, par la direction du renseignement de la préfecture de police", est-il précisé.

Le document met en avant "l’utilité" de cette mesure dans la lutte contre les actes de terrorisme car, sur les 149 visites réalisées entre 2017 et 2019, 84 ont donné lieu à "des saisies de documents, d'équipements ou de données informatiques relatifs à la menace d'une particulière gravité pour la sécurité publique et l'ordre publics que constitue le comportement de la personne faisant l'objet de la visite".

Et d’ajouter: "Dans un de ces cas, la visite domiciliaire a contribué à déjouer un attentat terroriste, en permettant de découvrir au domicile d'un individu des tutoriels portant sur la préparation d'un attentat à la bombe."

Procédé contesté

Mais cette procédure ne fait pas l’unanimité. "Ce sont des perquisitions administratives qui sont effectuées uniquement sur la base de soupçons. Ici, les faisceaux d’indices remplacent la preuve. Résultat: on perquisitionne des gens sur lesquels on n’a pas d’éléments pour les envoyer devant la justice. Or, notre travail c’est de faire la part des choses entre les gens dangereux et ceux qui ne le sont pas", tance auprès de BFMTV.com Alexandre Langlois, secrétaire général de Vigi, un syndicat policier minoritaire.

"Ça ne fait que les informer qu’on les surveille", s’agace-t-il.

Si Darmanin s’est targué, sur Europe 1, de vouloir "faire passer un message" aux "ennemis de la République", pour le syndicaliste ce procédé "n’a aucun intérêt". "On perquisitionne pour trouver des preuves, pas pour faire 'passer un message'. Ca va affoler tout le monde", conclut-il en déplorant une "communication digne d’un parrain de la pègre".

Article original publié sur BFMTV.com