L'US Army admet avoir bombardé par erreur l'hôpital MSF à Kunduz

par Yeganeh Torbati et Patricia Zengerle WASHINGTON (Reuters) - L'armée américaine a bombardé par erreur samedi dernier l'hôpital de Médecins sans frontières (MSF) à Kunduz, dans le nord de l'Afghanistan, a reconnu mardi le général John Campbell, commandant des forces américaines et de l'Otan en Afghanistan. L'attaque aérienne dans cette ville proche de la frontière tadjike, où les forces afghanes et leurs alliés affrontaient des taliban, a fait 22 morts. La présidente de MSF International, Joanne Liu, a déclaré mardi que le bombardement de l'hôpital constituait un "crime de guerre". Entendu par la commission des Forces armées du Sénat, le général Campbell a souligné que la décision de frapper cette cible avait été prise au sein de la chaîne de commandement des forces américaines. "Même si les Afghans ont requis ce soutien, il doit néanmoins passer par une rigoureuse procédure américaine", a-t-il dit. "Un hôpital a été frappé par erreur. Nous n'aurions jamais visé intentionnellement une installation médicale protégée." Il a précisé que des membres des forces spéciales américaines dans le secteur de Kunduz étaient en liaison avec les appareils qui ont mené l'attaque. Lors de cette audition au Sénat, le général Campbell s'est prononcé pour un réexamen du plan qui prévoit le retrait d'ici la fin de l'année de presque toutes les forces américaines présentes en Afghanistan. Il a expliqué que les menaces représentées par l'Etat islamique et Al Qaïda justifiaient de réfléchir à nouveau aux effectifs qu'il faudrait laisser dans ce pays. "Les conditions sur le terrain ont changé depuis 2014", a-t-il dit. La Maison blanche a annoncé que le département américain de la Défense enquêtait sur le raid de samedi. Barack Obama souhaite que des mesures soient prises pour que ce genre d'incident ne se reproduise pas, a dit le porte-parole de la présidence, Josh Earnest. MSF VEUT UNE ENQUÊTE INDÉPENDANTE Le gouvernement afghan du président Ashraf Ghani s'est gardé de critiquer directement les Etats-Unis. Le commandant des forces spéciales afghanes à Kunduz, Abdullah Guard, a déclaré que ses soldats avaient été pris sous le feu des taliban près de l'hôpital. "Il est possible que nos forces aient demandé une frappe aérienne contre les positions ennemies, mais cela ne voulait pas dire d'aller bombarder l'hôpital", a-t-il déclaré à Reuters. Pour Joanne Liu, les déclarations du gouvernement afghan selon lesquelles les taliban utilisaient l'hôpital pour tirer sur les forces de la coalition démontrent que l'établissement n'a pas été touché par erreur. "Ces déclarations signifient que les forces afghanes et américaines (...) ont décidé de raser complètement un hôpital pleinement opérationnel, ce qui revient à admettre un crime de guerre", a-t-elle estimé dans un communiqué. MSF réclame une enquête "transparente et indépendante" sur ce bombardement, en insistant sur la responsabilité des Etats-Unis. "Leur description de l'attaque ne cesse de changer, du dégât collatéral à un incident tragique et désormais une tentative de faire retomber la responsabilité sur le gouvernement afghan", s'est indigné lundi le directeur général de MSF, Christopher Stokes. Mego Terzian, président de Médecins sans Frontières France, a exigé mardi que les "frappeurs" reconstruisent l'hôpital. "Il faut rouvrir rapidement un hôpital. Il ne faut pas faire plaisir aux frappeurs. Il faut même leur demander de le reconstruire", a-t-il dit lors d'une audition par la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale française. (Avec Doina Chiacu et Stephanie Nebehay; Tangi Salaün, Henri-Pierre André et Guy Kerivel pour le service français, avec Emile Picy)