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Lumières dans les librairies

L’historien américain Robert Darnton raconte comment, vingt ans avant la Révolution, les éditeurs frontaliers avaient mis en place un commerce du livre en partie clandestin pour écouler des ouvrages piratés ou illicites.

Jean-François Favarger, 29 ans, part ce 5 juillet 1778 pour une longue tournée en France. Il a fait ravauder son manteau, préparé son cheval et révisé ses pistolets. Ce voyageur en partance représente la Société typographique de Neuchâtel (STN), grosse maison d’édition suisse. Aucun éditeur important en Europe à cette époque ne peut se passer d’un commis voyageur. Il emporte bien sûr dans sa besace l’Almanach de la librairie avec la liste de tous les imprimeurs et libraires du Royaume… Son périple va durer cinq mois. «Quand il revint à Neuchâtel en novembre, écrit l’Américain Robert Darnton, spécialiste des Lumières, Favarger en savait plus sur le commerce du livre que pourrait en rêver n’importe quel historien.» Manne précieuse : ce représentant a laissé un journal et une correspondance détaillés qui permettent de le suivre et d’étudier le commerce du livre sur le terrain. L’essai de Darnton, Un tour de France littéraire, se lit ainsi comme un road trip, qui part de Pontarlier, passe par Bourg-en-Bresse, Lyon (qui était alors un carrefour des circuits de contrebande), la vallée du Rhône, le Sud de Marseille à Bordeaux, La Rochelle, la vallée de la Loire, la Lorraine… Tout cela à cheval, par des journées de routes boueuses, des nuits dans des auberges crasseuses où notre personnage attrape d’ailleurs la gale. Il visite presque chaque librairie sur son chemin. Sa mission : vendre des livres, recouvrer des factures, organiser des livraisons, inspecter des imprimeries, sonder le marché et même percer à jour la personnalité d’une centaine de bouquinistes. Car la réputation et la fiabilité comptent énormément dans ce domaine. Favarger classe les librairies en trois catégories : les «bonnes», les «médiocres» et les «pas bonnes».

«Ombres». Darnton utilise (...)

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