L'Ukraine forme une garde nationale, demande l'aide occidentale

par Alastair Macdonald et Andrew Osborn KIEV/SEBASTOPOL (Reuters) - A cinq jours du référendum controversé sur le rattachement de la Crimée à la Russie, les autorités ukrainiennes ont annoncé mardi la création d'une "Garde nationale" et sollicité l'aide des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne contre "l'agression russe" en vertu d'un accord signé il y a vingt ans. Le parlement criméen, contrôlé par les partisans de Moscou, a prononcé une déclaration d'indépendance qui prendra effet si les habitants de la péninsule de la mer Noire votent dimanche en faveur d'une union avec la Russie. A Kiev, les députés de la Rada, le Parlement national, ont prévenu que l'assemblée régionale de Crimée serait dissoute si la consultation a bien lieu. Viktor Ianoukovitch, destitué de ses fonctions de chef de l'Etat par le parlement ukrainien le 22 février après trois mois de manifestations, a affirmé qu'il restait le seul président légitime de l'Ukraine et le chef des forces armées, lors de sa seconde conférence de presse depuis sa fuite en Russie. A Kiev, le Premier ministre par intérim Arseni Iatseniouk a estimé que le Mémorandum de Budapest, signé en 1994 par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la Russie, garantissant l'intégrité territoriale de l'Ukraine contre l'abandon de son arsenal nucléaire, obligeait Washington et Londres à intervenir. Arseni Iatseniouk, qui se rendra cette semaine à la Maison blanche et au Conseil de sécurité de l'Onu, a une nouvelle fois fait valoir que si les Occidentaux manquaient à ces engagements, il leur serait difficile de convaincre l'Iran ou la Corée du Nord de renoncer à l'arme nucléaire. Le parlement ukrainien a voté une résolution appelant Américains et Britanniques à "remplir leurs obligations (...) et à prendre d'urgence toutes les mesures diplomatiques, politiques, économiques et militaires possibles pour mettre fin à l'agression et préserver l'indépendance, la souveraineté et les frontières existantes de l'Ukraine". SANCTIONS POSSIBLES DÈS CETTE SEMAINE Les pays de l'Otan -et les autorités de Kiev- affichent leur volonté d'éviter une escalade militaire avec Moscou, qui a resserré son étreinte sur la Crimée après en avoir pris le contrôle il y a dix jours. L'Union européenne et les Etats-Unis préparent une série de sanctions contre la Russie, malgré les réticences de certains pays membres de l'UE en raison de l'importance de leurs liens économiques avec Moscou. Des sanctions pourraient être prises dès cette semaine si la Russie ne répond pas à la proposition transmise par le secrétaire d'Etat américain John Kerry pour éviter une escalade, a déclaré mardi Laurent Fabius. John Kerry a averti samedi que toute initiative de Moscou en vue d'annexer la Crimée mettrait fin aux efforts diplomatiques pour régler la crise russo-ukrainienne. L'Union européenne a déjà adopté un premier train de sanctions contre la Russie, en suspendant les discussions sur le régime des visas, qui avaient débuté en 2007, ainsi que sur un accord global censé régir les relations entre Moscou et l'UE. Le deuxième train de sanctions viserait des avoirs de Russes ou d'Ukrainiens, ou des interdictions de déplacements. Dans l'entourage de François Hollande, on juge nécessaire de maintenir la pression sur Moscou. "Dimanche, il y a cette consultation, ensuite on va voir ce que va faire Moscou -si la Douma est saisie ou pas. Il y a une pression à avoir", dit-on. L'Ukraine s'imposera au menu du Conseil européen de printemps la semaine prochaine qui réunira les chefs d'Etat et de gouvernement des Vingt-Huit à Bruxelles les 20 et 21 mars. CONTACTS AU POINT MORT Les contacts diplomatiques directs sont pour l'instant au point mort. John Kerry a refusé une invitation à se rendre en Russie tant que Moscou n'aura pas modifié sa position, qui est de défendre, y compris et si besoin par la force militaire, les minorités russes en Ukraine que la Russie dit menacées. L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), qui a tenté en vain d'envoyer ces derniers jours une mission en Crimée, a finalement décidé mardi de dépêcher ses observateurs non armés dans les régions de l'est du pays. Des avions de surveillance Awacs de l'Otan ont commencé à survoler la Pologne et la Roumanie pour surveiller l'évolution de la situation en Ukraine et l'US Navy s'apprête à effectuer des exercices militaires en mer Noire avec la Bulgarie et la Roumanie au cours des prochains jours. Le président ukrainien par intérim, Olexander Tourtchinov, a annoncé que le Conseil national de sécurité et de défense avait décidé la création d'une "Garde nationale" recrutant parmi les anciens combattants. En raison de la gabegie qui a régné au sein des troupes sous l'ex-président Viktor Ianoukovitch, l'armée ukrainienne doit être remise sur pied "pratiquement à partir de rien", a estimé Tourtchinov. Selon le ministre de la Défense, l'Ukraine ne peut compter que sur 6.000 hommes d'infanterie prêts au combat, face aux quelque 200.000 soldats russes présentés sur les frontières orientales du pays. Le principal aéroport de Crimée, à Simféropol, a annulé mardi plusieurs vols en provenance de Kiev mais autorisé l'atterrissage de plusieurs avions en provenance de Moscou. (Avec Fredrik Dahl à Vienne,; Jean-Stéphane Brosse pour le service français)