L'UE sanctionne à nouveau Moscou en raison de la crise ukrainienne

par John O'Donnell et Steve Gutterman BRUXELLES/MOSCOU (Reuters) - L'Union européenne a étendu mardi à son tour le gel des avoirs et l'interdiction de visas à 15 personnalités jugées responsables de la crise ukrainienne, mais ces mesures paraissent moins énergiques que les sanctions prises la veille par les Etats-Unis. Ces sanctions occidentales n'entament pas la détermination des miliciens séparatistes pro-russes de l'est de l'Ukraine, qui se sont emparés sans coup férir du siège de l'exécutif régional, du bureau du procureur et du centre de la télévision locale à Louhansk. Contrairement aux Etats-Unis, l'UE n'a pas ajouté d'entreprises à sa liste des personnes ou entités sanctionnées pour leur rôle présumé dans la crise ukrainienne. Moscou a néanmoins promptement critiqué les Européens, jugeant qu'ils devraient avoir "honte" de se soumettre ainsi à des oukases américains. A la Bourse de Moscou, les investisseurs ont bien réagi à l'annonce des sanctions européennes, plus modérées qu'ils ne le redoutaient. Les signes se multiplient toutefois indiquant que la crise en Ukraine commence à peser sur des secteurs stratégiques de l'économie russe. Le géant gazier Gazprom a ainsi prévenu que de nouvelles sanctions risqueraient de perturber ses livraisons à l'Europe et de nuire à ses affaires tandis que Sergueï Riabkov, vice-ministre des Affaires étrangères, a admis que les restrictions américaines aux exportations d'équipements de haute technologie vers la Russie porteraient un coup aux entreprises russes du secteur. Le Fonds monétaire international (FMI) a déclaré qu'il se préparait à réduire sa prévision de croissance de l'économie russe pour la deuxième fois en moins d'un mois. Visa, numéro un mondial des cartes de crédit, a annoncé qu'il suspendait ses services auprès de deux banques russes sanctionnées lundi par les Etats-Unis. MESURES CONTRE-PRODUCTIVES, SELON MOSCOU Parmi les personnalités sanctionnées mardi par l'UE figurent le vice-Premier ministre russe Dmitri Kozak, une vice-présidente de la Douma, la chambre basse du Parlement russe, Loudmila Chvetsova, le chef d'état-major de l'armée, Valeri Guérassimov ainsi que des dirigeants séparatistes en Ukraine. Sont en revanche épargnés les patrons des grands groupes énergétiques tels que celui de Rosneft, Igor Setchine, pourtant inclus lundi par les Etats-Unis sur leur propre liste. Les décisions annoncées mardi par Bruxelles portent à 48 le nombre de personnes sanctionnées par l'UE, qui les accuse de menacer l'intégrité territoriale de l'Ukraine. Les Etats-Unis et l'UE ont pris leurs premières sanctions en mars après l'annexion de la Crimée à la Russie. Moscou a jugé mardi que les nouvelles sanctions européennes ne contribueraient pas à apaiser la situation dans l'est de l'Ukraine, où des séparatistes pro-russes se sont emparés de bâtiments officiels dans plusieurs villes, dont des capitales régionales. "Au lieu de forcer la clique de Kiev à s'asseoir à table avec l'Ukraine du sud-est pour discuter de la structure à venir du pays, nos partenaires sont sous les ordres de Washington avec de nouveaux gestes inamicaux visant la Russie", a déclaré le ministère russe des Affaires étrangères. Les Etats-Unis, les pays européens et le gouvernement ukrainien installé à Kiev après la destitution en février du président pro-russe Viktor Ianoukovitch soupçonnent la Russie de vouloir reproduire dans l'est de l'Ukraine le scénario qui a abouti à l'annexion de la Crimée. L'OTAN NE VOIT PAS DE RETRAIT RUSSE LE LONG DE LA FRONTIÈRE Cité par un site russe d'informations, Sergueï Riabkov a assuré mardi que la Russie n'était "pas du tout l'intention de répéter le soi-disant scénario criméen dans le sud-est de l'Ukraine". L'Otan estime que la Russie a massé environ 40.000 militaires à sa frontière avec l'Ukraine. Elle n'a constaté aucun signe de retrait en dépit d'une déclaration russe selon laquelle ces forces avaient regagné leurs bases. Le maire autoproclamé de la ville de Slaviansk a déclaré que la levée des sanctions européennes contre les chefs séparatistes était une condition préalable à toute négociation sur la libération des observateurs militaires capturés vendredi durant leur mission dans l'est de l'Ukraine sous les auspices de l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe). Viatcheslav Ponomariov a dit à l'agence Interfax que les sanctions contre Denis Pouchiline, chef de la "République populaire de Donetsk", et Andreï Pourguine, autre chef séparatiste de l'est de l'Ukraine, "n'incitent pas au dialogue". Grièvement blessé par balles lundi, Guennadi Kernes, maire de Kharkiv, la plus grande ville de l'est de l'Ukraine, a été transféré dans un hôpital en Israël. (Bertrand Boucey pour le service français)