L'UE ouvre la porte à une reprise de la SNCM sous conditions

La Commission européenne estime que certaines offres de reprise de la SNCM respectent les conditions qui lui permettraient de renoncer au remboursement d'aides publiques jugées illégales, un préalable à la renaissance de la compagnie maritime. /Photo d'archives/REUTERS/Jean-Paul Pélissier

MARSEILLE (Reuters) - La Commission européenne estime que certaines offres de reprise de la SNCM respectent les conditions qui lui permettraient de renoncer au remboursement d'aides publiques jugées illégales, un préalable à la renaissance de la compagnie maritime. C'est ce qu'implique une lettre reçue par le gouvernement français et les administrateurs judiciaires de la Société nationale Corse Méditerranée (SNCM) placée en redressement. "Certaines des offres soumises à ce jour (...), bien que soulevant encore des interrogations de notre part, semblent être de nature à assurer une discontinuité économique pour autant notamment qu'elles n'incluent pas la convention de DSP dans le périmètre des actifs dont la reprise est proposée", précise la Commission dans ce courrier dont Reuters a obtenu une copie. La "discontinuité économique" - la disparition de la SNCM et la création d'une nouvelle compagnie qui ne représenterait pas une concurrence déloyale pour les autres transporteurs - est une des conditions pour apurer le passif de 440 millions d'euros d'aides publiques jugées illégales par la Commission. Aucun repreneur ne se lancerait dans l'aventure s'il devait reprendre un tel passif et rembourser les aides. L'exécutif européen refuse aussi que le repreneur bénéficie de la Délégation de service public (DSP) signée par l'Office des transports de la Corse (OTC) avec le groupement SNCM-Méridionale pour assurer le service public entre le continent et la Corse. Cette DSP, qui représente 96 millions d'euros par an et doit prendre fin au 1er octobre 2016, avait été attribuée pour la période 2014-2023 à la SNCM, ce qui a été contestée en justice par la compagnie concurrente, Corsica Ferries. Le tribunal administratif de Bastia l'avait annulée le 7 avril dernier. Dans sa lettre, la Commission refuse notamment une prolongation de la période d'observation de six mois réclamée par le procureur Brice Robin lors de l'audience du 24 avril du tribunal de commerce de Marseille, qui doit statuer lundi. DISTORSION DE CONCURRENCE Cette prolongation aurait, selon lui, pour effet de maintenir une "distorsion de concurrence", de prolonger la "persistance du non remboursement des aides" et de continuer à percevoir de nouvelles aides illégales. Bruxelles s'interroge en outre sur la capacité de la SNCM à dégager la trésorerie nécessaire à son fonctionnement durant une éventuelle période additionnelle de six mois, "compte tenu de la chute des réservations pour la saison estivale". La compagnie aurait enregistré environ un tiers des réservations de l'an dernier à pareille époque, une situation préoccupante à moins de deux mois de la haute saison touristique pour la desserte entre la Corse et le continent. Les personnels de la SNCM, dont Transdev, coentreprise entre Veolia et la Caisse des dépôts, est actionnaire majoritaire, ont dénoncé mercredi une "pression inadmissible sur le tribunal" de la part de Bruxelles. "On se retrouve dans une situation absurde et inextricable, où le tribunal ne pourrait que décider la découpe ou la liquidation dans un temps court à l'entrée en saison, sur injonction de la Commission européenne", a dit à Reuters le délégué CFE-CGE de l'entreprise, Maurice Perrin. Les candidats à la reprise sont la compagnie Baja Ferries, dont le siège social est à Miami, la société d'investissement Med Partners de Christian Garin, ancien président du port de Marseille, et le transporteur corse Patrick Rocca. De source proche du dossier, on estime que la lettre de la Commission a le mérite de clarifier la situation en disqualifiant certaines propositions, comme celle de Baja Ferries qui ne pourrait être retenue en l'état puisqu'elle inclut la reprise de la DSP. La SNCM emploie 2.000 personnes dont 1.500 en CDI, effectifs qu'aucun des trois candidats à sa reprise n'envisage de conserver en intégralité. (Jean-François Rosnoblet, édité par Yves Clarisse)