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L'UE inflige une amende de 997 millions d'euros à Qualcomm

par Foo Yun Chee

BRUXELLES (Reuters) - La Commission européenne a infligé mercredi à Qualcomm une amende de 997 millions d'euros pour abus de position dominante, Bruxelles reprochant au producteur américain de semi-conducteurs d'avoir versé à Apple des "montants substantiels" pour qu'il ne se fournisse pas auprès de la concurrence.

L'amende représente 4,9% du chiffre d'affaires total réalisé en 2017 par Qualcomm, a précisé la Commission. Le groupe américain a immédiatement annoncé son intention de faire appel.

L'exécutif européen précise que son enquête, ouverte en 2015, portait sur une période s'étendant de 2011 à 2016 et sur la position dominante de Qualcomm sur les "chipsets de bande de base LTE", des composants permettant des connexions mobiles haut débit rapides.

"Qualcomm a illégalement évincé ses concurrents du marché des chipsets de bande de base LTE pendant plus de cinq ans, consolidant ainsi sa position dominante sur le marché", déclare la commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager, dans un communiqué.

"L'entreprise a versé des milliards de dollars à un client majeur, Apple, pour que celui-ci ne s'approvisionne pas auprès de ses concurrents. Ces paiements n'étaient pas de simples réductions de prix, mais étaient effectués à la condition qu'Apple utilise exclusivement des chipsets de bande de base de Qualcomm dans tous ses iPhone et ses iPad", ajoute-t-elle.

"NOUS AVONS UN DOSSIER SOLIDE", DIT LA DÉFENSE DE QUALCOMM

"En conséquence, aucun concurrent n'a pu concurrencer efficacement Qualcomm sur ce marché, quelle que fût la qualité de ses produits. De par son comportement, Qualcomm a privé les consommateurs et d'autres entreprises d'un choix élargi et d'une plus grande innovation, alors que le secteur se caractérise par une forte demande et un fort potentiel pour les technologies innovantes."

Des accusations rejetées en bloc par la défense du groupe américain.

"Nous avons un dossier solide nous autorisant à ouvrir immédiatement une procédure en justice", déclare dans un communiqué Don Rosenberg, conseiller juridique de Qualcomm, ajoutant que ce dernier ne croyait pas que l'accord passé avec Appel enfreignait le droit européen.

L'action Qualcomm a cédé jusqu'à 5% dans les échanges d'avant-Bourse à Wall Street après cette annonce, avant de réduire sa perte à 1,2%.

Margrethe Vestager a précisé lors d'une conférence de presse que l'enquête n'aurait aucun conséquence pour Apple.

La décision rendue mercredi dans le dossier Qualcomm est la première en matière d'abus de position dominante depuis que la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a renvoyé en septembre au Tribunal un recours d'Intel contre l'amende de 1,06 milliard d'euros que la Commission lui a infligée en 2009.

Un autre géant américain, Google, a fait appel de l'amende record de 2,4 milliards d'euros infligée en juin par la Commission, là encore pour abus de position dominante.

QUALCOMM EST VISÉ PAR UNE OFFRE D'ACHAT HOSTILE

Margrethe Vestager a expliqué que l'arrêt de la CJUE dans le dossier Intel avait été soigneusement examiné "pour être sûr que notre décision était tout à fait conforme aux attendus de la Cour".

D'autres autorités de régulation, dont la Commission fédérale du commerce des Etats-Unis (FTC), enquêtent sur les accords liant Qualcomm et Apple et leurs décisions pourraient encore fragiliser le spécialistes des puces face à l'offre d'achat hostile de 103 milliards de dollars de Broadcom.

Broadcom assure qu'un rachat de Qualcomm permettrait d'apaiser les relations tendues avec des clients comme Apple.

Ce dernier avait porté plainte contre Qualcomm en janvier de l'an dernier, l'accusant de surfacturer ses composants et de lui avoir refusé environ un milliard de dollars de remises sur lesquelles il s'était engagé.

Qualcomm avait riposté en avril en accusant le fabricant de l'iPhone d'avoir enfreint certains accords et d'avoir incité les autorités de la concurrence de plusieurs pays à engager des poursuites contre lui sur la foi de déclarations mensongères.

La Commission européenne doit par ailleurs rendre son verdict dans les mois qui viennent sur un dossier mettant aux prises Qualcomm avec le concepteur britannique de logiciels téléphoniques Icera, aujourd'hui propriété de Nvidia, a dit à Reuters une source proche du dossier.

Qualcomm est accusé de vendre des chipsets à perte pour évincer Icera.

(Claude Chendjou, Catherine Mallebay-Vacqueur et Wilfrid Exbrayat pour le service français, édité par Marc Angrand)