L'UE discutera d'une stratégie commune face à la Chine

Les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne (UE) réfléchiront jeudi, à l'occasion d'un dîner, à une stratégie davantage défensive face à une Chine qui ne semble pas offrir de réciprocité aux Européens en termes d'ouverture des marchés. /Photo d'archives/REUTERS/Jason Lee

par Robin Emmott et Philip Blenkinsop

BRUXELLES (Reuters) - Les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne (UE) réfléchiront jeudi, à l'occasion d'un dîner, à une stratégie davantage défensive face à une Chine qui ne semble pas offrir de réciprocité aux Européens en termes d'ouverture des marchés.

Cette discussion sur la Chine à l'occasion d'un sommet européen sera en soi une première mais si Bruxelles souhaite présenter un front commun, l'Italie - où le pouvoir est aux mains d'eurosceptiques - compte bien renforcer ses liens économiques avec Pékin à l'occasion d'une visite du président Xi Jinping cette semaine.

La commissaire européenne au Commerce Cecilia Malmström a déclaré jeudi, lors de la conférence AmCham sur les relations transatlantiques, que l'ordre économique international avait changé.

"La Chine s'est hissée au rang de concurrent géopolitique et économique, et un concurrent systémique", a-t-elle dit, avant un sommet européen sur le Brexit et sur les relations économiques avec Pékin, qui en précède un autre entre l'UE et la Chine prévu pour le 9 avril.

Selon un projet du communiqué qui doit être publié à l'issue de ce dernier sommet, Pékin et Bruxelles doivent convenir de dresser d'ici l'été la liste des principales barrières aux échanges commerciaux, dans l'optique de fixer un calendrier à leur suppression d'ici 2020.

En bref, l'UE veut rappeler la Chine à ses engagements et c'est le message qui a été délivré lundi au Conseiller d'Etat Wang Yi par les ministres des Affaires étrangères de l'UE, dans un nouvel "état d'esprit plus affirmé et compétitif", selon des diplomates européens.

"Il a été très difficile par le passé pour l'UE de formuler une stratégie claire concernant la Chine et les documents qui avaient été conçus jusque là manquaient de cohérence stratégique", observe Duncan Freeman, du centre d'études UE-Chine du Collège d'Europe. "Il y a maintenant des efforts évidents" pour définir une telle stratégie.

L'offensive du président américain Donald Trump contre l'équipementier télécoms chinois Huawei a également contribué à accélérer les discussions de l'UE en vue de définir une position ferme.

Malmström a noté que l'Europe était très souvent en accord avec les Etats-Unis pour ce qui est d'identifier les problèmes internationaux mais pas toujours sur les moyens de les résoudre si l'on se réfère aux conflits commerciaux qui opposent Washington à Pékin et à Bruxelles.

"On est tenté d'isoler la Chine (...) Ca peut marcher à court terme mais à long terme il faut quelque chose de plus solide, des réformes d'envergure faites pour durer", argue-t-elle, préconisant une coopération transatlantique sur ce dossier.

A L'ÉCOUTE DE L'ALLEMAGNE

Les tensions les plus vives sont nées de la lenteur avec laquelle la Chine ouvre son marché aux entreprises étrangères, d'une multiplication des OPA chinoises dans des secteurs économiques vitaux de l'UE et du sentiment que la Chine n'est pas vraiment partisane du libre-échange.

L'UE est le premier partenaire commercial de la Chine et elle-même est le second marché des biens et services européens, après les Etats-Unis.

Les barrières à l'entrée de la Chine sont plus hautes que celles de l'UE dans la quasi totalité des secteurs économiques, selon le consultant Rhodium Group et le Mercator Institute for China Studies.

A la différence des Etats-Unis, qui a une flotte basée au Japon pour exercer une influence locale, l'UE ne peut guère impressionner la Chine sur un plan militaire et son approche est donc technique.

Mais définir une position commune risque de s'avérer difficile dans la mesure où chaque capitale européenne s'emploie à attirer l'investisseur chinois.

L'Italie s'apprêterait à rejoindre le projet de nouvelle "Route de la Soie" de la Chine, tandis que des pays tels que l'Irlande, la Suède et les Pays-Bas froncent les sourcils lorsqu'il s'agit d'imposer des restrictions aux échanges commerciaux.

La position de l'Allemagne sera importante car ce pays a parfois réclamé une réponse plus énergique aux pratiques anticoncurrentielles de la Chine, tout en préconisant un resserrement des liens avec elle.

La Commission européenne pour sa part recommande elle aussi aux chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE de faire preuve de fermeté face à la Chine et propose d'user de l'arme des marchés publics pour l'obliger, elle et d'autres pays, à s'ouvrir.

(Wilfrid Exbrayat pour le service français, édité par Marc Joanny)