Louis Boyard dans « TPMP » : Cette experte décrypte la « mécanique impitoyable » qui conduit au clash
POLITIQUE - « Tocard », « bouffon », « abruti ». Voici quelques exemples des insultes balancées par Cyril Hanouna à son invité, le député insoumis Louis Boyard, lors de l’émission Touche pas à mon poste (TPMP) du jeudi 10 novembre. Une séquence d’une violence déconcertante, et qui a conduit La France insoumise (pourtant souvent représentée sur le plateau de C8) à saisir l’Arcom.
La scène a duré un peu moins de dix minutes. Elle s’est achevée par le départ sous les huées de l’élu du Val-de-Marne. Aucune mention de cet échange n’a été publiée sur les réseaux sociaux de l’émission phare de C8, si ce n’est le partage d’un tweet de Cyril Hanouna revenant sur cette altercation.
« Cette séquence avec Louis Boyard est bien la preuve que sur TPMP on peut tout dire, et inviter tout le monde », a osé l’intéressé, qui a pourtant littéralement perdu ses nerfs et multiplié les invectives à l’encontre de Louis Boyard, quand celui-ci critiquait ouvertement les activités africaines de Vincent Bolloré, patron du groupe Canal+, et donc de la chaîne C8.
Cette séquence avec @LouisBoyard est bien la preuve que sur #TPMP on peut tout dire, et inviter tout le monde. Si m… https://t.co/gUFVogv7OC
— Cyril Hanouna (@Cyrilhanouna)
« Pluralisme dévoyé »
Docteure en histoire contemporaine et chercheuse au CNRS spécialisée dans les médias, Claire Sécail est une observatrice appliquée de TPMP, dont elle scrute la façon dont les questions politiques sont abordées en plateau. Durant la présidentielle, elle avait montré comment Éric Zemmour représentait 40 % du temps d’antenne politique de ce programme.
Hasard du calendrier, la chercheuse a publié le second volet de son étude sur TPMP jeudi 10 novembre, à quelques heures de cette passe d’armes entre Louis Boyard et Cyril Hanouna. Une séquence qui ne l’a pas vraiment étonnée.
« La violence est surprenante, mais la mécanique impitoyable qui conduit à ce clash ne l’est pas du tout », explique au HuffPost Claire Sécail, qui décrit un dispositif propice aux dérapages. « En face, il y avait Juliette Briens, qui est une influenceuse identitaire. C’est typique des plateaux que recherche Cyril Hanouna, avec des antagonismes très forts qui pourront provoquer du clash », poursuit la chercheuse.
Une situation de « pluralisme dévoyé » qui peut agir comme un piège sur les invités, puisque c’est Cyril Hanouna qui fait la pluie et le beau temps à l’antenne. « Il parle par-dessus les invités, les interrompt, ne les laisse pas parler, esquive le fond… Cette méthode autoritaire joue dans la dramaturgie du plateau », explique la spécialiste, qui note que cet « écrasement de la parole » est renforcé par les chroniqueurs qui ont tendance à faire systématiquement bloc derrière Cyril Hanouna.
Ce dont la séquence de jeudi soir a offert une éclatante démonstration. « L’altercation a aussi révélé la hiérarchie des loyautés dans l’émission. Celle des chroniqueurs à l’égard de l’animateur, et celle de l’animateur à l’égard de Bolloré, puisque c’est quand Boyard a évoqué le sujet que ça a dérapé », note la chercheuse, qui pointe également le rôle des insoumis dans cette politique spectacle dont raffole Cyril Hanouna.
« La rigidité du dispositif gagne toujours »
« Il y a la conviction chez eux qu’ils peuvent maîtriser l’agenda fixé par le plateau, et donc exposer leurs idées. En fait, c’est se surestimer, car la rigidité du dispositif gagne toujours », observe Claire Sécail, qui rappelle que Jean-Luc Mélenchon avait eu l’impression d’avoir été piégé dans Face à Baba durant la présidentielle.
« Quand une séquence qui devait durer vingt minutes avec Zemmour au lieu de dix par faveur de l’antenne et qui dure pour finir une heure dix, on a du mal à ne pas avoir le sentiment de s’être fait manœuvrer », écrivait le candidat insoumis sur son blog. « Certains sont aussi pris dans le piège des relations personnelles qu’ils entretiennent avec Cyril Hanouna », explique Claire Sécail, citant notamment la députée LFI Raquel Garrido, qui a longtemps officié sur le plateau de TPMP.
« Quand on voit le spectacle offert par les clashs, et la pauvreté du discours politique qui se dégage de ces émissions, ça pose vraiment la question de l’intérêt d’y participer. Parler à l’audience populaire de Cyril Hanouna, d’accord, mais pour dire quoi ? », interroge Claire Sécail.
Reste à savoir si les insoumis, utilisés comme des objets de polarisation sur TPMP, continueront de taper à la porte de l’animateur de C8. Pour l’heure, Louis Boyard a réclamé l’ouverture d’une commission d’enquête sur l’ingérence de Vincent Bolloré dans les médias. Pas sûr de le revoir de sitôt chez Cyril Hanouna.
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