Los Nadie : "Je peux m’identifier à chacun de mes personnages"

Rencontre avec Juan Sebastián Mesa, le réalisateur de "Los Nadie", chronique désenchantée de la jeunesse colombienne au noir et blanc charbonneux.

Comment est née l'idée de Los Nadie ? A l'origine du film il y a un long métrage...

Juan Sebastián Mesa : L'idée du film a surgi d'un voyage que j'ai réalisé en Amérique du Sud avec un groupe d'amis, un voyage où j'ai connu beaucoup d'endroits, où j'ai fait beaucoup de rencontres parmi lesquelles plusieurs jongleurs. Ces rencontres m'ont rapproché de personnes qui vivaient une vie en marge. Une fois arrivé à Medellin, j’ai commencé à écrire une histoire où je voulais me concentrer sur le désir de voyager, aux moments qui précèdent le voyage, moments qui pour moi ont été très importants. C'est à partir de là que surgit le film. Initialement c'était un court-métrage mais peu à peu, avec le travail sur le terrain, le film est devenu un long-métrage.

Comment avez-vous constitué le casting du film ? Les acteurs sont-ils tous amateurs ? Comment les avez-vous dirigés ?

Les acteurs sont non professionnels. Pour beaucoup c'est le premier film, deux d'entre eux étaient des copains à moi avant de commencer le projet. Quant aux autres, on les a trouvés à travers un casting réalisé dans les rues de la ville. Ce fut un travail très agréable car tous avaient une fibre artistique, en tant qu'artistes de rue, jongleurs, graffeurs ou musiciens. Et ils ont appréhendé le film comme un projet artistique supplémentaire dans lequel ils pourraient s'investir. Le travail avec eux a été une sorte de jeu, où je leur donnais toute liberté d’être eux-mêmes. On a fait beaucoup d'exercices pour qu'ils se sentent à l'aise face à la caméra, de mouvements dans l'espace. Dans la mesure où tous sont artistes, et donc habitués à s’entraîner avec acharnement, ils ont réussi à s'adapter facilement au travail des répétitions des prises pour le film.

Quelle est la part d'autobiographie dans le film ?

Tout le film a des fragments en rapport à ma relation avec certaines personnes, avec la famille, avec des amis, mais il est aussi marqué par beaucoup d'histoires que j'ai entendues chez mes acteurs, mes amis… C'est un mélange, je peux m’identifier à chacun de mes personnages et me retrouver dans chacune de leurs péripéties. Dans ce sens, je pourrais dire qu'une grande partie du film me touche personnellement. En plus, lorsque j’étais adolescent, j'ai joué dans un groupe de punk, donc c'est quelque chose qui me touche profondément. Pourquoi le choix du noir et blanc pour nous raconter cette histoire ? J'aime bien la temporalité générée par le noir et blanc. Lorsque la lumière n'a pas de couleur, c'est difficile de savoir si c'est le matin, l'après-midi ou le soir. De plus, Medellin est une ville très colorée et je ne voulais pas que le fond soit un élément distrayant qui sort le spectateur de l'histoire. Au contraire, je souhaitais qu’il reste avec les personnages qui sont le centre de l'histoire.

On sent un désenchantement dans la jeunesse colombienne. Quel regard portez-vous sur cette jeunesse ? Sur la Colombie ?

Je ne parle pas dans mon film de quelque chose que je ne connais pas, les personnages du film ont pratiquement tous le même âge que moi. Du coup, il ne s'agit pas d'un point de vue distant de la jeunesse colombienne. Je parle d'un groupe d'amis auquel j'appartiens, on trouve un certain désenchantement mais qui n'est pas uniquement propre à la jeunesse colombienne. Je pense qu'il s'agit d'un trait commun à toutes les jeunesses, que j'ai remarqué lorsque j'ai voyagé. Indépendamment du contexte et du pays, l'ennui était présent chez tous les jeunes, ainsi que le désir de partir et rompre avec les barrières établies par la société. Je pense que même si la Colombie à des problématiques très spécifiques, on retrouve ces questionnements aussi chez les jeunes Européens par exemple, une sorte de rupture avec la pensée traditionnelle.

La bande-annonce de "Los Nadie" :