Echec des négociations entre l'opposition syrienne et la Russie sur Deraa
par Suleiman Al-Khalidi
AMMAN (Reuters) - Les rebelles syriens de la province de Deraa ont annoncé samedi l'échec de négociations entamées avec la Russie, alliée de Damas, sur un possible accord de rétablissement de la souveraineté du gouvernement de Bachar al Assad dans les zones qu'ils contrôlent dans cette région du sud-ouest, où l'armée syrienne a intensifié son offensive.
Ils ont mis en cause les requêtes "humiliantes" formulées par les négociateurs russes.
"La réunion a abouti à un échec. Les Russes n'étaient pas disposés à écouter nos demandes. Ils n'ont proposé qu'une option, accepter leur exigence humiliante de reddition, qui a été rejetée", a déclaré Ibrahim Jabawi, porte-parole de l'Armée syrienne libre (ASL).
L'armée syrienne a intensifié depuis mercredi son offensive lancée contre les zones rebelles dans cette province du sud-ouest du pays. Plusieurs localités ont été bombardées.
De nouvelles frappes aériennes ont visé les zones rebelles dans la nuit de vendredi à samedi, puis samedi matin, a annoncé l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).
Plus de 120.000 personnes ont été jetées sur les chemins de l'exode depuis le déclenchement de l'offensive des forces gouvernementales il y a dix jours, a rapporté vendredi l'OSDH - les Nations unies avancent le chiffre de 160.000 personnes déplacées.
La région de Deraa, proche des frontières de la Jordanie et du Golan annexé par Israël, a été en 2011 l'un des premiers foyers de la contestation contre le président Assad, qui a ensuite dégénéré en conflit armé.
LE "MODÈLE" DE LA GHOUTA ORIENTALE
Un comité civil et militaire, composé de six membres et mis en place par les rebelles, a tenu samedi matin une réunion préliminaire avec des représentants russes près de la région voisine de Sweida, ont annoncé samedi des représentants des insurgés.
Les négociateurs russes avaient demandé aux rebelles d'accepter un accord similaire à celui obtenu au printemps dernier pour la Ghouta orientale, en périphérie de la capitale Damas, a ajouté Ibrahim Jabawi. Les insurgés avaient alors accepté de reconnaître l'autorité du gouvernement ou quitté la Ghouta avec leur famille à destination des zones contrôlées par l'opposition dans le nord de la Syrie.
Mais les demandes russes sur la province de Deraa ont été rejetées par les rebelles, qui ont proposé le retour des institutions civiles du gouvernement syrien et l'arrivée de la police militaire russe, mais pas des forces pro-gouvernementales, dans les zones tenues par l'opposition.
Un deuxième cycle de discussions s'est déroulé plus tard dans la journée, aboutissant au constat d'échec annoncé par les rebelles.
LE "SILENCE" DE WASHINGTON
Depuis le début de son offensive, le 19 juin, l'armée syrienne a repris le contrôle de plusieurs villages situés dans l'est de la région de Deraa.
Les villes d'Al Gharia al Charkia et de Dael ont accepté la souveraineté du régime de Damas, a rapporté samedi la télévision publique syrienne, qui ajoute que le drapeau syrien a été hissé par les forces pro-Bachar. Des images retransmises en direct de Dael ont montré une foule scandant des slogans en soutien au président syrien et à son armée.
D'après l'OSDH, d'autres localités situées plus à l'est ont également
Dans la nuit de vendredi à samedi, une dizaine de localités ont été visées par des avions de combat qui ont procédé à 32 attaques aériennes dans la région de Deraa, a ajouté l'OSDH.
Depuis son déclenchement, l'offensive a causé la mort d'une centaine de civils, a précisé l'Observatoire, basé à Londres mais disposant d'un réseau d'informateurs sur le terrain.
Autour de la ville même de Deraa, où la progression de l'armée syrienne pourrait couper en deux le territoire contrôlé par les rebelles dans le sud-ouest, les combats se sont intensifiés, ajoute l'OSDH.
Le sud-ouest syrien est l'un des deux derniers bastions rebelles, avec une zone située dans le nord-ouest du pays, autour de la province d'Idlib. Dans le nord-est, ce sont les milices kurdes soutenues par les Etats-Unis qui contrôlent une large bande de territoire.
Le négociateur en chef de l'opposition syrienne dans les négociations internationales, Nasr al Hariri, a déploré jeudi le "silence des Etats-Unis" face à cette offensive dans la province de Deraa, pourtant proclamée l'été dernier "zone de désescalade" à la suite d'un accord entre les Etats-Unis, la Russie et la Jordanie.
(avec Angus McDowall à Beyrouth; Jean Terzian et Henri-Pierre André pour le service français)