L'opposition polonaise appelle à de nouvelles manifestations

par Pawel Florkiewicz et Wojciech Zurawski VARSOVIE (Reuters) - Les dirigeants de l'opposition en Pologne ont appelé samedi leurs partisans à poursuivre les manifestations contre le gouvernement et ont promis de continuer à bloquer les accès au parlement, après avoir été accusés par le ministre de l'Intérieur de vouloir prendre le pouvoir illégalement. Plusieurs milliers de personnes ont manifesté à Varsovie et dans d'autres villes du pays après l'intervention de la police contre des protestataires réunis devant le parlement dans la capitale aux premières heures de la journée. Une vingtaine de membres de la Plateforme civique (PO) se sont relayés pour siéger toute la nuit dans la salle plénière du parlement et les dirigeants du parti d'opposition ont annoncé qu'ils entendaient rester sur place dans les jours à venir. "Nous descendrons dans la rue jusqu'à ce qu'ils arrêtent de détruire le pays", a déclaré Mateusz Kijowski, président du Comité pour la défense de la démocratie, devant les manifestants. La Première ministre polonaise, Beata Szydlo, a jugé "scandaleuses" les entreprises de l'opposition pour bloquer le parlement. "Les efforts de l'opposition pour provoquer des sentiments politiques extrêmes(...)n'ont rien à voir avec la situation réelle de notre pays", a-t-elle dit à la télévision. "Au contraire, ils sont dus au désespoir, au mécontentement de ceux qui ont perdu le pouvoir et qui ne savent pas comment faire pour rallier à eux les Polonais", a-t-elle ajouté. L'affrontement politique a débuté vendredi lorsque l'opposition a dénoncé le projet du parti Droit et Justice (PiS) visant à limiter l'accès de la presse à la Diète. L'opposition accuse le PiS d'avoir violé les dispositions de la constitution polonaise en décidant de déplacer le lieu des débats sur le budget 2017 et en voulant empêcher la presse d'y assister. SOUTIEN DE LA POPULATION Ces tensions politiques dans la première économie des pays d'Europe de l'Est traduisent la colère croissante d'une partie de l'opinion face à la tentative du PiS de renforcer son emprise sur les institutions du pays. "S'il devient évident qu'il est impossible de discuter (avec les députés du PiS), il faudra des élections anticipées", a déclaré Ryszard Petru, chef de file du groupe libéral Nowoczesna, s'adressant aux manifestants réunis devant le parlement. Un tel scénario paraît peu probable dans la mesure où le PiS détient la majorité absolue à la Diète et peut empêcher l'adoption d'une motion de défiance. Les incidents ont éclaté vendredi après-midi lorsqu'un député est monté à la tribune avec une affiche disant "presse libre", ce qui a entraîné son expulsion par le président de la Diète (chambre basse), Marek Kuchcinski, PiS. D'autres députés d'opposition sont alors montés à la tribune, en criant "presse libre" et "non à la censure". Pareils incidents n'avaient pas été vus en Pologne depuis une décennie. Le chef du PiS, Jaroslaw Kaczynski, a dit à la presse que les auteurs de cette manifestation dans l'enceinte de la Diète devraient assumer les conséquences de leurs actes. Les projets de limitation de l'accès au parlement pour les journalistes ont suscité, outre l'opposition politique, les protestations de la presse privée. Selon ces règles, appelées à entrer en vigueur en 2017, le nombre de chaînes de télévision autorisées à filmer les séances au parlement sera limité à cinq. Celui des journalistes accrédités sera limité à deux par organe de presse. En dépit des critiques visant le gouvernement, le parti au pouvoir continue de bénéficier du soutien d'une grande partie de la population séduite par l'amélioration des conditions de protection sociale, l'affirmation des valeurs catholiques dans le vie publique et la réduction de la dépendance à l'égard des capitaux étrangers. (Justyna Pawalk, Pawel Sobczak et Marcin Goettig, Nicolas Delame et Eric Faye pour le service français)