L'Onu dénonce état d'urgence et violations des droits en Turquie

Le Haut-Commissaire de l'Onu aux droits de l'homme, Zeid Ra'ad al Hussein. L'Onu a appelé mardi la Turquie à mettre fin à l'état d'urgence qui se traduit selon elle par des violations massives des droits de l'homme. /Photo prise le 9 mars 2018/REUTERS/Denis Balibouse

GENEVE (Reuters) - L'Onu a appelé mardi la Turquie à mettre fin à l'état d'urgence qui se traduit selon elle par des violations massives des droits de l'homme.

L'état d'urgence a été déclaré par le président turc Recep Tayyip Erdogan après le coup d'Etat manqué de juillet 2016 qui a fait 250 morts. Une vingtaine de décrets ont été publiés depuis qui ont permis la torture de détenus et une ingérence dans les affaires de la justice, déplore le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme dans un rapport.

La Turquie doit "mettre fin immédiatement à l'état d'urgence et rétablir le fonctionnement normal des institutions et l'Etat de droit", lit-on dans le document du HCDH.

"Le nombre de décrets, leur fréquence et l'absence de relations de plusieurs d'entre eux avec une quelconque menace nationale semblent aller dans le sens de l'utilisation des pouvoirs d'urgence pour réprimer toute forme de critique ou de désaccord vis-à-vis du gouvernement", ajoute le texte.

Ankara a sans surprise rejeté ces conclusions. Le rapport de l'Onu, a dit le ministère turc des Affaires étrangères, "contient des allégations infondées qui s'accordent parfaitement aux efforts de propagande des organisations terroristes".

Le gouvernement turc attribue la responsabilité du putsch manqué au réseau du prédicateur musulman Fethullah Gülen, qui vit aux Etats-Unis depuis 1999.

Dans un communiqué, le Haut-Commissaire de l'Onu aux droits de l'homme, Zeid Ra'ad al Hussein, qualifie le nombre d'arrestations ou de renvois de "simplement stupéfiant".

Près de 160.000 personnes ont été arrêtées ces 18 derniers mois en Turquie et 152.000 fonctionnaires ont été renvoyés, "pour beaucoup de façon totalement arbitraire", souligne-t-il.

"Des enseignants, des juges et des avocats renvoyés ou poursuivis, des journalistes arrêtés, des organes de presse fermés et des sites internet bloqués : à l'évidence, les états d'urgence successivement déclarés en Turquie ont été utilisés pour restreindre gravement et arbitrairement les droits d'un très grand nombre de personnes", déclare Zeid Ra'ad al Hussein.

Le rapport de 28 pages décrit l'utilisation de la torture et des mauvais traitements en prison. La police, la gendarmerie et l'armée sont accusées d'agressions sexuelles, de torture à l'électricité et au waterboarding.

Le document parle aussi de violations des droits de l'homme "massives" par les forces de l'ordre dans le sud-est de la Turquie, région à majorité kurde : meurtres, torture, usage excessif de la force.

Le HCDH demande un accès complet à la région pour avoir une vision complète de la situation.

(Stephanie Nebehay; Danielle Rouquié et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)