Ce que l'on sait de la fusillade et de la rixe impliquant des dizaines de personnes à Poitiers
Au moins cinq personnes ont été blessées, dont une très grièvement, jeudi 31 octobre au soir, lors d'une fusillade survenue dans le quartier des Couronneries à Poitiers. L'une d'entre elles, un adolescent âgé de 15 ans touché à la tête, est morte, a annoncé dans un nouveau bilan le procureur de la République de Poitiers Cyril Lacombe samedi 2 novembre.
Après la fusillade, une rixe a éclaté entre bandes rivales et "les services de police ont été au contact d'une soixantaine de personnes", a indiqué le procureur lors d'une conférence de presse donnée vendredi 1er novembre en fin d'après-midi.
Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a évoqué vendredi sur BFMTV un "point de bascule" dans la lutte contre les narcotrafics.
• Une fusillade devant un restaurant
Il est environ 22h45 quand des coups de feu sont signalés, place de Coimbra, dans le quartier des Couronneries à Poitiers, un lieu connu pour du trafic de stupéfiants, a appris BFMTV de source policière. Les coups de feu ont été tirés depuis une voiture dont les occupants ont pris la fuite, a-t-on appris de même source.
À leur arrivée sur place, les policiers découvrent cinq personnes blessées par balles. Parmi les victimes, nées entre 2008 et 2009 et résidant toutes à Poitiers, se trouve un adolescent de 15 ans, dans un premier temps très grièvement blessé à la tête.
Le procureur de Poitiers a annoncé sa mort à la presse ce samedi 2 novembre. Une enquête en flagrance pour tentative d'homicide avait été ouverte par le parquet, avant l'annonce de ce décès.
Deux autres adolescents, âgés de 16 ans, sont blessés plus légèrement à l'épaule et à la cheville. Deux autres victimes, également âgées de 15 et 16 ans, selon des sources concordantes à BFMTV, se sont présentées d'elles-mêmes au CHU de Poitiers.
• Une rixe entre bandes rivales
Les fonctionnaires sont rapidement pris à partie par des jeunes du secteur sur fond de tensions entre bandes rivales. D'après une source de l'enquête à BFMTV, de nombreuses personnes ont afflué sur les lieux après la fusillade, cherchant à se faire justice elles-mêmes en retrouvant les auteurs présumés.
Des échauffourées éclatent sur la place Coimbra, obligeant les policiers à faire usage de grenades lacrymogènes et à établir un périmètre de sécurité pour séparer les 60 à 80 personnes restantes sur les lieux.
Les policiers sont par ailleurs avertis que des proches des victimes ont embarqué un jeune homme qu'ils pensent être proches des tireurs, a-t-on appris de même source. Les forces de l'ordre arrivent à exfiltrer le jeune homme avant de l'amener au commissariat pour l'interroger.
"Aucune dégradation n'a été commise tant sur les commerces que sur les véhicules stationnés, y compris ceux des forces de l'ordre" dans le quartier des Couronneries, a fait savoir le procureur de Poitiers, ajoutant que "le calme était rétabli vers 23h30".
Des renforts policiers ont été envoyés sur place, comme l'a indiqué la préfecture de la Vienne. La CRS 84, unité spécialisée dans la lutte contre le trafic de stupéfiants et les violences urbaines, va être déployée dès ce vendredi 1er novembre au soir.
"Les services de police ont été au contact d'une soixantaine de personnes", a assuré le procureur Cyril Lacombe vendredi fin de journée. Quelques heures plus tôt, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau évoquait sur BFMTV-RMC, au plus fort de la rixe, "entre 400 et 600 personnes" impliquées, citant une note transmise par le préfet à Beauvau.
"Nous avons eu plusieurs centaines de personnes aux abords" des lieux, avait également déclaré sur BFMTV le préfet de la Vienne Jean-Marie Girier, précisant que "toutes n'ont pas participé" aux faits.
• Un règlement de comptes sur fond de narcotrafic
Selon les premiers éléments de l'enquête, l'hypothèse privilégiée est celle d'un règlement de comptes sur fond de trafic de stupéfiants, a expliqué une source policière à BFMTV. "C'est lié, je vous le confirme", a martelé Bruno Retailleau sur notre antenne. Le procureur de Poitiers a déclaré ce vendredi soir que le tireur "se serait livré à la vente de produits stupéfiants les jours précédents" la fusillade.
"À Poitiers comme partout en France, on constate que le narcotrafic (...) est de plus en plus présent", a réagi sur BFMTV la maire Les Écologistes de Poitiers Léonore Moncond'huy. "On a un type de trafic qui évolue aussi. C'est plus uniquement du cannabis mais c'est aussi des drogues de synthèse plus dures. Tout ça rend le phénomène plus lourd et plus lourd à combattre aussi."
"Aujourd'hui, les narcoracailles n'ont plus de limites (...) Ces fusillades ne se passent pas en Amérique du Sud, elles se passent à Rennes, à Poitiers, dans cette France de l'ouest réputée jadis pour sa tranquillité. On est à un point de bascule et le choix que nous avons aujourd'hui est un choix entre une mobilisation générale ou la mexicanisation du pays", a lancé le ministre de l'Intérieur.
En 2023, 315 faits d'homicides ou de tentatives d'homicide liés au narcotrafic ont été recensés, soit un bond de près de 60% par rapport à 2022, d'après les chiffres de Beauvau.
• "Un nouvel épisode de violence inacceptable"
Après la fusillade et la rixe, les réactions se sont multipliées chez les élus. Dans un communiqué, la maire de Poitiers a fustigé "un nouvel épisode de violence inacceptable pour le quartier et pour la ville".
"La jeunesse des victimes et des personnes impliquées est particulièrement frappante et préoccupante", a-t-elle ajouté. Sur notre antenne, elle a par ailleurs appelé à "plus de répression", mais "avec des moyens forts" et une "présence du quotidien".
Le député Sacha Houlié, de la 2e circonscription de la Vienne, a estimé que les faits survenus à Poitiers sont "symptomatique(s) de la gangrène consécutive à l'extension du trafic de stupéfiants".
Il évoque également deux textes, préparés avec l'ancien Garde des sceaux Éric Dupond-Moretti, "l'un créant des juridictions et des parquets spécialisés contre la criminalité organisée ainsi qu'une nouvelle infraction", "l'autre sur le statut des repentis pour briser la loi du silence".
Bruno Retailleau, lui, s'est dit favorable à faire de la lutte contre le narcotrafic "une grande cause nationale", tout en affichant sa volonté de faire une "nouvelle loi".