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L'ombre d'Amazon plane sur les résultats à Wall Street

par Rodrigo Campos

NEW YORK (Reuters) - Le gros des résultats passé à Wall Street, c'est maintenant au tour des détaillants et distributeurs de publier leurs comptes, sous l'ombre menaçante du géant du commerce en ligne Amazon.com.

Les questions sur la concurrence d'Amazon, réelle ou potentielle, et les moyens d'y faire face reviennent comme un leitmotiv dans les conférences téléphoniques des entreprises sur leurs résultats, observe Steven Osinski, professeur de marketing au Fowler College of Business (Université de San Diego).

"Tout distributeur, en ligne ou classique, qui vous dira qu'Amazon ne l'inquiète pas est soit dans le déni, soit il vous ment", dit-il.

Au-delà des géants des hypermarchés Wal-Mart et Target, et après l'annonce du rachat par Amazon de la chaîne bio Whole Foods Market en juin, chacun se demande où le groupe de Jeff Bezos va encore frapper.

Certains observateurs imaginent d'autres acquisitions dans le champ de l'alimentation, qu'il s'agisse de producteurs ou de distributeurs. Le groupe de produits laitiers Dean Foods et le propriétaire de supermarchés SpartanNash sont ainsi régulièrement cités comme étant des cibles possibles.

Mais d'autres voient plus loin, comme Daniel Morgan, gérant de portefeuille chez Synovus Trust à Atlanta, qui parie sur une offensive d'Amazon dans la distribution pharmaceutique ou l'habillement.

"Il sera intéressant de voir quel nouvel espace voudra encore investir Bezos", dit-il. "N'oublions pas qu'il est aujourd'hui présent dans des segments où jamais on ne l'aurait attendu il y a deux ans."

Signe de la portée croissante d'Amazon, des grands groupes leaders de leur secteur comme McDonald's dans la restauration rapide, 3M dans l'industrie manufacturière ou Johnson & Johnson dans la pharmacie ont été interrogés pour la première fois, lors de leurs récentes conférences téléphoniques, sur l'impact de la concurrence d'Amazon.

DES ATTENTES LIMITÉES

Des 11 grands indices sectoriels du S&P-500, celui de la distribution non essentielle devrait afficher la plus faible croissance des bénéfices au deuxième trimestre, de 3,3% contre 12% pour l'ensemble du Standard & Poor's 500.

Les résultats d'Amazon eux-mêmes y sont pour beaucoup puisque le bénéfice par action du géant du e-commerce a chuté de près de 80% en un an à 40 cents, loin des 1,42 dollar que les analystes attendaient en moyenne.

Mais le bond de 25% de son chiffre d'affaires, à 38 milliards de dollars (32,3 milliards d'euros), incite aussi à des attentes prudentes pour le reste du secteur.

"Les prévisions ont eu tendance à être revues à la baisse parce que beaucoup de distributeurs, surtout ceux avec des magasins physiques, ont connu des problèmes - liés ou non à Amazon", explique Bob Doll, stratège actions chez Nuveen Asset Management.

Pour autant, les valorisations restent relativement élevées dans le secteur, ce qui accroît aussi la prudence des analystes. En incluant Amazon, dont le ratio cours/bénéfice dépasse les 100, les investisseurs paient plus de 19 dollars pour chaque dollar de bénéfice prévu à l'échéance de 12 mois, soit un PER pratiquement au plus haut depuis 2009.

Dans ce compartiment encore cher, Amazon affiche une croissance de 31% de son cours de Bourse depuis le début de l'année, qui le place devant la plupart de ses concurrents. Et sa capitalisation boursière de près de 500 milliards de dollars lui donne un poids de 20% environ dans l'indice sectoriel.

Parmi les composantes du secteur de la distribution non essentielle qui publient dans la semaine figurent mardi Michael Kors, Ralph Lauren, Walt Disney, Priceline ou TripAdvisor et, jeudi, les enseignes de grands magasins Macy's, Kohl's et Nordstrom.

La montée en puissance d'Amazon rappelle à certains l'ascension de Wal-Mart, dont l'expansion agressive au début des années 2000 faisait craindre des faillites en cascade chez des concurrents plus petits.

"Je ne sais pas si l'effet Amazon est si différent que ce qu'on a vu avec Wal-Mart ou Microsoft", commente Jim Paulsen, directeur de la stratégie de Leuthold Group à Minneapolis. "Il y a de moins en moins d'acteurs et de plus en plus de concentration. C'est le résultat de situations où le vainqueur emporte tout."

(Véronique Tison pour le service français)