Loi martiale : est-ce possible de l'appliquer en France, comme en Corée du Sud ?
Pendant trois heures ce mardi, le président de Corée du Sud a enclenché la loi martiale pour protéger le pays. Est-ce possible d’engager une telle mesure de sécurité en France ?
C’était une première en Corée du Sud depuis 1980 : ce mardi 3 décembre, le président Yoon Suk-yeol a proclamé la loi martiale dans tout le pays. Avec une telle mesure, qui interdit toute activité politique et place la presse sous le contrôle de l'armée, son but était de "protéger la Corée du Sud libérale des menaces posées par les forces communistes nord-coréennes".
La loi martiale n’aura pris effet que trois heures. Le Parlement de Corée du Sud a très vite voté contre cette décision, contraignant le président à revenir sur ses pas. Serait-il possible d’appliquer la loi martiale en France pour protéger le pays ?
Depuis 1958, la loi martiale ne fait plus partie de la loi française
Lorsqu’elle est proclamée en temps de crise grave par le chef de l’État ou du gouvernement, la loi martiale permet à l’armée de prendre le contrôle sur certaines fonctions gouvernementales, comme l’administration de la justice ou l’application de la loi. Elle permet par exemple d’instaurer des couvre-feux, d’interdire les rassemblements publics ou de restreindre la presse.
En France, le cadre juridique ne prévoit pas de loi martiale. Actuellement, cette notion n’est pas inscrite dans la Constitution, ni dans aucun texte législatif. Ni Emmanuel Macron, ni aucun Premier ministre, ni aucun organe de l’État ne pourrait donc imposer une loi martiale tel qu’on l’a vu en Corée du Sud.
La loi martiale a disparu du droit français après la Seconde Guerre mondiale, lors de la rédaction de la Constitution de 1958, celle de la Ve République. Ce texte permet cependant d'autres régimes d’exception en France comme l’état d’urgence ou l’état de siège.
La loi martiale a déjà réprimé de nombreux événements historiques en France
Mais la France l’a déjà activement utilisée par le passé, comme pendant la Révolution française, pour réprimer les révoltes populaires. Le roi Louis XVI la proclame en 1789, juste après que la foule se soit activement amassée pour protester contre la décapitation d’un boulanger parisien, Denis François. Rebelote en 1791 lors de la fusillade du Champ-de-Mars à Paris, puis un siècle plus tard pour réprimer la Commune de Paris en 1871 – la "Semaine sanglante" fera 20 000 morts parmi les Communards.
Plus récemment, la loi martiale est instaurée durant les deux grandes Guerres mondiales. Durant la Première, elle est appliquée sur les zones de front, pour que les militaires contrôlent l’ordre public, la circulation et que des tribunaux militaires jugent des civils. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, le régime de loi martiale est proclamé par le gouvernement de Vichy pour contrôler les zones de frontières et arrêter les opposants politiques.
En France, d’autres mesures l’emportent en cas d’urgence
Si loi martiale a déjà existé en France, elle n’est plus appliquée aujourd’hui. D’autres dispositifs sont choisis en cas de crise grave. Il y a l’état d’urgence, né en 1955 durant la guerre d’Algérie, et entre autres utilisé après les attentats de 2015. Il existe également l’état de siège, réservé aux cas de guerre ou d’invasion mais qui n’a jamais été appliqué sous la Ve République. Ces deux états restent contrôlés par le Parlement et doivent respecter les droits fondamentaux de l’homme.
S'il le juge nécessaire, et ce grâce à l’article 16 de la Constitution, le président de la République peut également s’arroger tous les pouvoirs – législatif, exécutif et judiciaire – mais toujours sous le contrôle démocratique du Conseil constitutionnel, et pour une durée limitée.