Loi immigration: ce que souhaite Bruno Retailleau avant la présentation du futur projet de loi

Regroupement familial, délit de séjour irrégulier, allocations familiales... Le ministre de l'Intérieur souhaite reprendre des dispositions du texte adopté à l'Assemblée en décembre dernier avec les voix du RN, qui avaient ensuite été censurées par le Conseil constitutionnel.

"Que la France ne soit pas plus attractive en matière d'immigration que le reste des pays de l’Europe". Tel est le mantra brandi par Bruno Retailleau ce mardi 15 octobre pour justifier la mise en place d'une énième loi sur le sujet, annoncée par l'exécutif pour 2025.

Invité de France 2, l'ancien patron des sénateurs Les Républicains (LR) est revenu sur les différentes mesures que pourraient contenir le futur projet de loi. Son objectif: reprendre celles du précédent texte - adopté en décembre 2023 avec les voix du Rassemblement national - qui avaient été censurées par le Conseil constitutionnel, au grand dam de LR.

"Cette loi a été (en grande partie, NDLR) censurée pour des motifs de pure forme", a souligné Bruno Retailleau, qui souhaite piocher dans les 35 articles (sur un total de 86) retoqués partiellement ou totalement par les Sages.

Parmi eux: le rétablissement du délit de séjour irrégulier, "un instrument indispensable pour nous", dixit le Vendéen.

Supprimée sous François Hollande, cette disposition avait été rétablie par les parlementaires LR l'hiver dernier lors de l'examen du projet de loi immigration. Elle visait alors à sanctionner d'une amende la présence d'une personne en situation irrégulière sur le territoire français.

Bruno Retailleau entend également durcir le regroupement familial. L'une des mesures retoquées dans le texte précédent visait à étendre de 18 à 24 mois la durée de résidence nécessaire pour prétendre à ce regroupement.

"Quand (l)es prestations sociales ne sont pas contributives, il me semble juste, que (pour) un étranger, il y ait un délai de carence", a affirmé Bruno Retailleau sur France 2. Le dernier texte prévoyait que le versement des allocations familiales à cinq ans de résidence sur le territoire français contre six mois actuellement.

Quid des autres dispositions censurées? Toutes n'ont pas été évoquées par Bruno Retailleau, mais certaines pourraient raviver les débats qui s'étaient joués entre LR et macronistes, lesquels étaient alors soumis à la pression de la droite pour passer leur texte sans l'article 49.3. On pense à la caution demandée aux étudiants étrangers en France pour prévoir leur retour.

Mais aussi à d'autres mesures phares, comme la création de la déchéance de nationalité pour les auteurs d'homicide volontaire contre les forces de l'ordre ou la fin de l'automaticité du droit du sol.

Pour autant, les mesures citées pourraient à nouveau se transformer en "cavaliers législatifs", et être ainsi censurées par le Conseil constitutionnel pour des raisons de forme.

Elles "serviront de bases pour le nouveau projet de loi sur l'immigration", a assuré à l'AFP une source gouvernementale. "Certaines pourraient être modifiées et il y aura des ajouts."

Comme par exemple, la prolongation de 90 à 210 jours du délai maximum en centre de rétention administrative pour les étrangers clandestins "dangereux", évoqué par Maud Bregeon sur BFMTV dimanche.

Autre sujet: l'aide médicale d'État qui permet aux étrangers en situation irrégulière présents en France depuis plus de trois mois de bénéficier d'un accès au soin. Le ministre de l'Intérieur souhaite la transformer en une aide médicale d'urgence plus restrictive.

LR avait déjà tenté le coup l'an dernier, sans parvenir à obtenir l'accord des députés, après que la disposition a été introduite au Sénat. Dans tous les cas, elle aurait sûrement été censurée par le Conseil constitutionnel sur la forme. Dès lors, la droite cherchera-t-elle à l'introduire dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale?

"On va demander aux Français des efforts par exemple en baisse des remboursements d’un certain nombre de prestations en matière de santé. Les Français seraient appelés à faire des efforts et les étrangers clandestins aucun?", a poussé le patron de la place Beauvau sur France 2.

Sans attendre, l'ex-sénateur a déjà annoncé qu'il comptait agir sans avoir besoin d'une loi pour restreindre certains critères de régularisation contenus dans la circulaire Valls, datant de 2012.

Ce texte a permis en 2023 de régulariser à titre exceptionnel 34.700 sans-papiers pour des motifs économiques (personnes travaillant depuis plusieurs années en France) ou familiaux (enfants scolarisés depuis plusieurs années, conjoint).

"La circulaire ne sera pas supprimée", a souligné dimanche sur BFMTV la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon. "Elle sera remplacée avec des critères davantage restreints, notamment" sur l'aspect familial, a-t-elle ajouté, en précisant que la France a "besoin d'une immigration du travail".

Depuis le plateau de France 2, Bruno Retailleau a dit vouloir s'en tenir aux régularisations pour les métiers en tensions, prévus par la dernière loi et dont la liste n'a toujours pas été publiée. Ce sera le cas "rapidement", a assuré le ministre.

Un tel texte pourrait-il obtenir l'aval des macronistes? Le patron des députés Ensemble pour la République, Gabriel Attal, n'a guère fait preuve d'enthousiasme ce lundi déclarant sur France Inter: "Faire une loi pour une loi, sans nous expliquer ce qu'il y aurait dedans, ne me semble pas totalement prioritaire".

Que diront ses troupes si le texte présenté par le gouvernement ressemble peu ou prou à celui de 2023, largement durci par la droite? Seront-ils prêts à accepter certaines mesures, comptant sur la censure du Conseil constitutionnel, comme l'an dernier?

En tout cas, cette séquence sert aujourd'hui Bruno Retailleau, qui a glissé sur France 2: "Moi, je ne propose rien de plus que ce qui a déjà été voté par la majorité de Gabriel Attal il y a quelques mois."

Article original publié sur BFMTV.com