Régis Franc, enfant, était un diable, alors que sa sœur n'était que perfection. « Mais qu'est-ce que je vais faire de toi ? Tu es en colère contre tout, contre tout le monde », lui disait sa mère. Contre quelle injustice était-il enragé, qu'il ne pouvait nommer et qui déjà, petit garçon, créait une distance entre lui et ses parents ? Question de caractère : Roger Franc, maçon, communiste, avançait bravement et dignement dans la vie, « prenons ce qu'elle nous donne et si c'est peu, bien contents ! » ; son fils Régis, lui, s'insurgeait. La grâce de ce livre provient d'abord des portraits que peint l'auteur et dessinateur de ses parents, de ses grands-parents, des hommes et des femmes qui n'existent plus, ces gens de Lézignan-Corbières à l'accent chantant, souriants et craintifs, vulnérables et acceptant leur condition. Avec le peu de traces qu'ils ont laissées, quelques photos au bord dentelé, peu de paroles, ils n'étaient pas du genre à s'épancher, Régis Franc les ressuscite. On entend leur cœur palpiter. Celui de Roger Franc battait pour Renée Ancely, dont le père portait un col blanc et une cravate. « Ce n'est pas des gens pour nous », avait averti la mère de Roger. Mais l'amour fut plus fort. Le cœur de Roger s'arrêta de palpiter quand celui de Renée s'arrêta : elle rêvait d'une maison, que son maçon de mari lui construisit, elle mourut d'un cancer le 24 juillet 1960, et la maison fut terminée le 1er août. « Je vais bien » conte l'histoire d'une enfance entachée par ce bonheur mort-né. Régis Franc avait 12 ans lorsque sa mère disparut, et c'est contre ce deuil éternel qu'il est enragé aussi, avant qu'un autre ne le dévaste encore. Mais ce roman d'affranchissement résonne aussi des éclats de joie de l'enfance, des jours de pique-nique, du sourire de sa mère, le bleu de la mer, l'amour qu'on ne sait pas dire mais qui infuse ces années. Roger, Renée, la petite sœur Régine qu'on appelait Simone ont gagné l'éternité grâce au talent délicat de Régis Franc. « Je vais bien » est un magnifique récit sur ce qui reste quand la vie a passé. – Olivia de Lamberterie
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