Publicité

L'Iran menace de réduire sa coopération avec l'AIEA

L'Iran pourrait réduire sa coopération avec l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), a déclaré mercredi le président iranien Hassan Rohani, après avoir averti Donald Trump des "conséquences" qu'auraient de nouvelles sanctions contre les ventes pétrolières iraniennes. /Photo prise le 13 juin 2018/REUTERS/Leonhard Foeger

par Bozorgmehr Sharafedin

LONDRES (Reuters) - L'Iran pourrait réduire sa coopération avec l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), a déclaré mercredi le président iranien Hassan Rohani, après avoir averti Donald Trump des "conséquences" qu'auraient de nouvelles sanctions contre les ventes pétrolières iraniennes.

Le président américain a retiré les Etats-Unis de l'accord de Vienne qui encadre le programme nucléaire iranien en échange de la levée de certains sanctions. L'AIEA, agence onusienne, est chargée de la vérification de cette convention signée dans la capitale autrichienne en juillet 2015.

Washington a menacé d'imposer des pénalités financières aux pays qui continueront à importer du pétrole iranien après le 4 novembre.

"Les activités nucléaires de l'Iran ont toujours été pacifiques, mais c'est l'Iran qui décidera de son niveau de coopération avec l'AIEA", a déclaré Hassan Rohani après avoir rencontré à Vienne le directeur de l'AIEA, Yukiya Amano, selon l'agence de presse Irna.

"La responsabilité du changement du niveau de coopération de l'Iran avec l'AIEA incombe à ceux qui ont créé cette nouvelle situation", a-t-il ajouté.

Hassan Rohani avait auparavant déclaré que Téhéran n'avait aucune intention de plier devant les menaces de boycott de ses exportations pétrolières proférées par les Etats-Unis. Washington n'a pas bien réfléchi aux conséquences d'une telle mesure, a-t-il ajouté.

"Les Américains disent qu'ils veulent réduire à néant les exportations pétrolières iraniennes (...) Cela montre qu'ils n'ont pas réfléchi aux conséquences de cette décision", a-t-il déclaré.

Mardi, le président iranien a menacé d'ordonner le blocage du trafic pétrolier des pays voisins si Washington mettait son projet à exécution.

Hassan Rohani n'a pas précisé ce qu'il entendait par là, mais un commandant des Gardiens de la Révolution iranienne s'est dits mercredi prêts à s'opposer aux exportations pétrolières des pays du Golfe si les Etats-Unis imposent un boycott international des hydrocarbures iraniens.

"S'ils veulent bloquer les exportations de pétrole iraniennes, nous ne permettrons à aucune cargaison pétrolière de passer par le détroit d'Ormuz, a déclaré Ismaïl Kowsari, selon le site internet du Club des jeunes journalistes (YJC).

Jusqu'à 30% des exportations mondiales de pétrole transitent par cette voie maritime.

Le général Qassem Soleimani, commandant de la force Al Qods, unité des gardiens de la Révolution chargée des opérations extérieures, a déclaré selon l'agence Irna : "Je baise la main de (Rohani) pour ses propos sages et opportuns, et je suis à (son) service pour mettre en oeuvre toute mesure bénéfique pour la République islamique."

"C'EST LE CONSOMMATEUR AMÉRICAIN QUI PAIERA"

Hassan Rohani, qui se trouve à Vienne pour tenter de sauver l'accord dénoncé par Donald Trump, a dit que les sanctions américaines contre l'Iran étaient assimilables à "un crime et une agression". Il a appelé les Etats européens et d'autres pays à défendre son pays contre la politique de Donald Trump.

"L'Iran survivra à cette nouvelle salve de sanctions américaines, comme le pays a réussi à le faire par le passé. Le gouvernement américain actuel ne restera pas au pouvoir pour l'éternité (...) Mais l'Histoire jugera les autres pays sur ce qu'ils font aujourd'hui", a-t-il poursuivi.

Les signataires européens de l'accord de Vienne ont promis de tout faire pour le sauver, notamment en compensant les sanctions américaines. Ils reconnaissent toutefois que leur marge de manoeuvre est étroite.

Les ministres des Affaires étrangères des cinq pays qui restent parties prenantes de l'accord (Chine, France, Allemagne, Grande-Bretagne et Russie) se réunissent vendredi à Vienne.

"Si les signataires restants peuvent garantir les bénéfices de l'Iran, nous resterons dans l'accord nucléaire sans les Etats-Unis", a promis Hassan Rohani.

Le président iranien a par ailleurs jugé la décision de son homologue américain "contraire aux intérêts nationaux des Etats-Unis". Cet avis est partagé par Hossein Kazempour Ardebili, représentant iranien auprès de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep).

"L'appel de Trump au boycott du pétrole iranien et ses pressions sur les entreprises européennes au moment où le Nigeria et la Libye sont en crise, où les exportations de pétrole du Venezuela sont en baisse en raison des sanctions américaines et où la consommation intérieure saoudienne augmente avec l'été n'est rien d'autre qu'une automutilation", a-t-il jugé.

"Cela va faire monter les prix du pétrole sur les marchés mondiaux. En définitive, c'est le consommateur américain qui paiera le prix de la politique de M. Trump."

(Avec Francois Murphy et Kirsti Knolle à Vienne, Jean-Philippe Lefief, Benoît Van Overstraeten et Danielle Rouquié pour le service français)