L'impunité, une de causes du conflit centrafricain

Réfugiée ayant fui Bangui pour Bambari, dans le centre de la Centrafrique. Pour la Fédération internationale des droits de l'homme, l'impunité qui règne depuis une décennie dans le pays est une des causes des violences qui s'y déroulent depuis plus d'un an. /Photo prise le 16 juin 2014/REUTERS/Goran Tomasevic

PARIS (Reuters) - L'impunité qui règne depuis une décennie en Centrafrique est une des causes des violences qui déchirent depuis plus d'un an le pays, selon un rapport de la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) publié mardi. La RCA est plongée dans une spirale de violences depuis le renversement du président François Bozizé par les rebelles de la Séléka en mars 2013, dernier acte d'une histoire récente marquée par une série de coups d'Etat. Les exactions commises par la rébellion à majorité musulmane contre la population chrétienne ont provoqué une réaction de défense des anti-balaka, des miliciens chrétiens qui se sont mis à traquer la communauté musulmane. A ce jour, le conflit a fait plusieurs milliers de morts et déplacés. "L'ex-président Bozizé et ses partisans, les rebelles tchadiens et les rebelles centrafricains du Nord (...), sont autant d'acteurs des crises de 2002-2003, de 2007 et 2012-2013", souligne la FIDH dans son rapport. "Mettre de côté ces acteurs de l'instabilité contribuerait grandement à faire stopper et prévenir de nouveaux crimes." CELLULE D'ENQUÊTE La Cour pénale internationale (CPI), chargée de juger les responsables présumés de génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre, a annoncé en février l'ouverture d'un examen préliminaire sur des crimes commis en Centrafrique. Cet examen consiste à vérifier si les critères sont remplis pour l'ouverture d'une enquête. Le 30 mai, le gouvernement centrafricain de transition a saisi la CPI sur les crimes commis depuis août 2012, une initiative qui pourrait permettre d'accélérer le processus. Parallèlement, une cellule spéciale d'enquête et d'instruction (CSEI) a été créée début avril. Elle est chargée d'enquêter sur les exactions en cours, d'établir les responsabilités et d'instruire les procédures criminelles permettant d'arrêter les responsables des groupes armés actifs. "La nature des crimes perpétrés en Centrafrique depuis la fin 2012 répond manifestement à la qualification de crimes internationaux", lit-on dans le rapport qui évoque une épuration politico-religieuse après l'exode forcé de populations, tout en refusant de parler de "génocide". Se basant sur de nombreux témoignages, le rapport liste avec précision les attaques commises par les deux parties. "Les groupes armés, Séléka ou anti-balaka, reçoivent des instructions, de l'argent et des soutiens pour mener cette politique du chaos et ériger les communautés les unes contre les autres", souligne Joseph Bindoumi, président de la LCDH. Signe de ce "conflit de l'impunité", la FIDH fait état de la présence dans les rangs de la Séléka d'Abdoulaye Miskine, ex-chef de la garde présidentielle sous le régime du président Ange-Félix Patassé et responsable présumé du massacre du marché à bétail de PK12 à Bangui en 2002. CRIMES DE GUERRE Il remonte des enquêtes de terrain "la violence inouïe" des membres de la Séléka, qui se rendent coupables de meurtres, d'exécutions sommaires, de disparitions, de viols ou encore d'enrôlement d'enfants-soldats. Face à eux, les milices anti-balaka sont rapidement passées du rang de victimes à bourreaux, et se révèlent "aussi prédatrices et violentes", en s'attaquant systématiquement aux populations civiles considérées comme proches de la Séléka. "Séléka et anti-balaka se rejoignent et se ressemblent donc dans l'horreur dans un conflit (...) où les victimes sont découpées à la machette et les corps brûlés", dit le rapport. Lors de leurs enquêtes, les défenseurs des droits de l'homme ont reconstitué la chaîne de commandement de la Séléka qui inclut l'ex-président Michel Djotodia et ses proches. Le rôle joué par les anciens militaires des forces armées centrafricaines et des personnalités proches de l'ancien président Bozizé dans les rangs des anti-balaka a également été démontrée. L'enquête de la CPI pourrait, selon le rapport, permettre de clarifier la relation entre les cercles bozizistes, qui structurent largement le mouvement, et l'ancien président. (Marine Pennetier, édité par Yves Clarisse)