La Ligue des Gentlemen Extraordinaires sur Ciné+ Frisson : le film qui envoya Sean Connery à la retraite

La Ligue des Gentlemen Extraordinaires de Stephen Norrington avec Sean Connery, Shane West, Jason Flemyng...

L'histoire : L'aventurier Allan Quatermain dirige la Ligue des Gentlemen Extraordinaires, association de sept super-héros légendaires venus des horizons les plus divers. Après avoir embarqué à bord du Nautilus, ils gagnent Venise, où leur adversaire, le diabolique Fantôme, se prépare à saboter une conférence réunissant les plus grands chefs d'Etat...


Il aura fallu cinq ans à Stephen Norrington pour se remettre de sa malheureuse expérience avec le studio New Line durant le tournage de Blade. Des années durant lesquelles le cinéaste et spécialiste des effets spéciaux s’est retiré d’Hollywood, réalisant par la même occasion The Last Minute, un film plus personnel avec très peu de moyen (sorti directement en DVD en 2001). Ayant repris du poil de la bête, le réalisateur britannique se voit proposer par le producteur Don Murphy et la Fox, la mise en scène de l’adaptation d’un comic-book d’Alan Moore (à qui l’on doit également From Hell, Watchmen et V pour Vendetta), La Ligue des gentlemen extraordinaires. Les aventures de super-héros de l'époque victorienne tous issus d’œuvres littéraires. (Allan Quatermain, Dorian Gray, Dr Jekyll et Mr Hyde, Mina Harker, Le Capitaine Nemo, L'homme invisible)

Au départ Norrington souhaitait rester fidèle à la BD et conserver toute sa noirceur, mais c’était, une nouvelle fois, sans compter sur le studio et l’acteur principal Sean Connery, également producteur exécutif du film. Ce dernier - qui n'a d'ailleurs accepté d'incarner Allan Quatermain que parce qu’il regrettait d'avoir refusé le rôle de Gandalf dans Le Seigneur des Anneaux et d’avoir dit non à Matrix - avait peur de passer une nouvelle fois à côté d'un carton. 


Le PDG du studio Tom Rothman avait des exigences bien précises afin que le film touche le public américain et qu'il soit classé PG 13, et donc visible par les adolescents. Les personnages - à l’image d’Allan Quatermain, censé être drogué à l’opium - sont devenus de sympathiques héros pantouflards et Tom Sawyer (« c’est l’Amérique » sur un air connu) a été ajouté à la ligue afin de plaire au public d'Outre-Atlantique. Des demandes qui déplurent au plus haut point au créateur du comic-book qui demanda à ne pas être associé au projet. Le réalisateur explique « Au fil des réécritures (20 au total !) le scénario est devenu de plus en plus conventionnel. Le scénariste James Robinson et moi-même avons tenté de résister mais à la fin nous étions devenus de simples exécutants ».

Tournage cauchemardesque

Malheureusement pour l’équipe les choses ne se sont pas améliorées au moment du tournage. La Fox avait signé pour un budget de 85 millions, mais au dernier moment le studio décida de n’octroyer que 78 millions de dollars. Une coupe budgétaire qui déplu au réalisateur et à la star du film Sean Connery, qui affirmera plus tard : « Le budget a été réduit juste avant le tournage, si on l’avait su avant on ne l’aurait simplement pas fait. On a travaillé aussi bien qu’on a pu, on s’est beaucoup impliqué pour essayer de sauver le film. Mais depuis quelques années à Hollywood le fossé entre les gens qui savent faire des films et ceux qui les financent s’est considérablement élargi ».

16 escouades de salopards sur grand écran

Le tournage débuta à Prague au mois d’août 2002 dans des studios reproduisant Londres et Venise. Mais cet été-là, la capitale Tchèque fut victime d’inondations. Des conditions météorologiques extrêmes qui détruisirent une partie des plateaux, soit l'équivalent de sept millions de dollars de pertes et qui retardèrent le tournage de 2 semaines. Mais la Fox n’accorda pour autant, pas plus de temps de tournage au réalisateur car la date de sortie était fixée au 11 juillet 2003. Le tournage se poursuivit donc entre Malte et Prague.


Ces événements n'arrangèrent en rien les relations plus que tendues entre Sean Connery et Stephen Norrington. Les deux hommes au tempérament volcanique se disputaient régulièrement. Norrington raconte «Nous avons en quelques disputes, et la pire s’est produite à Malte, à propos d’un accessoire qui avait été oublié à L.A. Connery était furieux contre moi pour différentes raisons, et les mauvaises vibrations m’ont épuisé et m’ont rendu malade. Je l’ai donc invité à me coller son poing dans la gueule pour qu’on en finisse, tout en appréciant par avance l’argent que j’allais récolter au tribunal ! On ne s’est finalement pas empoignés, on s’est juste hurlé dessus. Ensuite je suis rentré dans ma chambre d’hôtel et j’ai déposé ma démission. La Fox a menacé de me poursuivre, je suis donc retourné bosser le lendemain matin.»*

Fin de carrières

Le réalisateur n’a pas assuré la promotion du film et s’est retiré de l’industrie du cinéma après ses deux mauvaises expériences hollywoodiennes. Ce dernier a participé au festival Burning Man pendant 10 ans et est ensuite revenu à son premier amour : l’animatronique.

Sean Connery pour sa part, agacé par les studios et les producteurs, a également décidé de mettre fin à sa carrière après La Ligue des gentlemen extraordinaires. Dans une interview accordée au Times en 2011, le comédien avoue à propos du tournage « C'était un cauchemar ! L'expérience m'a beaucoup marqué. Elle m'a fait réfléchir au showbiz. J'en ai eu marre de parler avec des crétins. »

Mais si le film a été un « cauchemar » et un échec (il a tout de même récolté 179 millions de dollars au box-office international), les studios n’ont pour autant pas abandonné l’idée d’en faire une nouvelle adaptation puisqu’un projet de série était annoncé en 2013 tandis que la Fox prévoyait un reboot du long métrage en 2015.

Le tapis rouge du film avec un Sean Connery en pleine forme...

 

*Propos tenus dans Mad Movies n°302 (décembre 2016)