Ligue 1: FFF, Kombouaré, Nasri... trois semaines de tensions dans le foot français sur la gestion du ramadan

Ligue 1: FFF, Kombouaré, Nasri... trois semaines de tensions dans le foot français sur la gestion du ramadan

Lundi 3 avril, l’arbitre de la rencontre entre Everton et Tottenham a interrompu le match en première période pour permettre à des joueurs de confession musulmane pratiquant le jeûne de s’hydrater. La pause boisson avait été convenue à l’avance par les deux équipes et l’officiel chargé d’arbitrer les débats ce jour-là. Une décision similaire avait été prise en 2021 à l’occasion d’un match qui opposait alors Leicester et Crystal Palace. Une position que partagent d’autres pays, notamment les Pays-Bas, mais pas la France.

La Fédération française de football (FFF) a rappelé le 30 mars son opposition à voir les arbitres interrompre brièvement un match amateur pour aménager une pause spécifique à la rupture du jeûne. "L'idée est qu'il y a un temps pour tout. Un temps pour faire du sport, un temps pour pratiquer sa religion", a expliqué Éric Borghini, président de la Commission fédérale des arbitres à la FFF, auprès de l’AFP.

Selon lui, la FFF a été informée qu'"un certain nombre de rencontres de niveau amateur ont été arrêtées pour permettre aux joueurs pratiquant le jeûne de s'hydrater" - et ce, "sans que le règlement ne le permette", a-t-il ajouté. Une telle intransigeance, aux antipodes de la doctrine plus souple prônée en Angleterre, a pu heurter en France, obligeant la ministre des Sport, Amélie Oudéa-Castéra, à apaiser la situation.

Comment concilier ramadan et football professionnel ?

L’ex-DG de la Fédération française de tennis (FFT) a estimé qu’il fallait "être claire sur nos principes: la laïcité, protection de la liberté de croire, de ne pas croire, neutralité du service public, pas de prosélytisme". Elle a aussi appelé à être “sans esprit de polémique sur la manière dont ces principes clairs se mettent en œuvre”. Un vœu pieux formulé chez nos confrères de France Info, qui faisait suite à un début de polémique suscité par les déclarations de l’entraîneur du FC Nantes, Antoine Kombouaré. Ce dernier avait justifié quelques jours plus tôt sa décision d’écarter un joueur, Jaouen Hadjam, qui refusait de rompre le jeûne les jours de match.

Car, plus que la question de la place de la religion dans le football, c’est l’impact - réel ou non - du jeûne sur les performances sportives qui a animé le débat en France. Le stress du changement subi par l’organisme n’est pas forcément propice à la performance de haut niveau, et peut même favoriser l’apparition de blessures, selon plusieurs spécialistes de la nutrition dans le sport.

Partant de ce constat, Antoine Kombouaré a imposé un cadre: "Dans la semaine, ceux qui jeûnent, il n’y a pas de souci pour les entraînements, je travaille même pour les soutenir, les aider. Ils ne viennent pas déjeuner, ils vont se reposer. Ils ne s’entraînent pas quand je double les séances, parce qu’on veut les protéger, on ne veut pas qu’ils se blessent. Par contre, la règle, les jours de match, c’est qu’il ne faut pas jeûner. Et ceux qui décident de jeûner, ils ne sont pas dans le groupe." Michel Der Zakarian, l’entraîneur de Montpellier, a été contraint de remplacer Mamadou Sakho en fin de match face à Toulouse, le 10 avril, alors que ce dernier était victime de crampes au mollet dues à une déshydratation.

Mais cela dépend aussi des joueurs, de leur morphologie, de leur capacité à encaisser tous ces changements. De ce point vue, ils ne sont pas tous égaux. Le cas de Karim Benzema a été érigé en parfait contre-exemple. L’avant-centre madrilène a pris l’habitude de se montrer performant pendant le ramadan. Cette année ne déroge pas à la règle puisqu’il a réalisé deux triplés consécutifs début avril en Espagne, et marqué contre Chelsea (2-0) en Ligue des champions.

Le coup de gueule de Samir Nasri après la déflagration de l'affaire Galtier

"Le ramadan n’a aucun impact et fait partie de ma vie et ma religion fait du ramadan une obligation. Pour moi, c’est très important et je me sens bien quand je jeûne", confiait Benzema après un triplé contre les Blues (3-1), l’an dernier. Chacun y va de son approche, mais la question demeure complexe, et difficile à trancher pour les footballeurs, entre convictions religieuses et devoir de performance. La question du jeûne a longtemps cristallisé les débats en ce début du mois d’avril mais la tension commençait à redescendre avant que le sujet ne fasse de nouveau irruption dans l’actualité avec l’affaire Galtier.

Accusé de racisme et d'islamophobie dans un mail de Julien Fournier, aux côtés duquel il travaillait à Nice, l’entraîneur du Paris Saint-Germain se serait opposé à certains de ses joueurs sur la gestion du ramadan. Des révélations qui ont fait bondir Samir Nasri, consultant pour le Canal Football Club. "Pourquoi les clubs devraient savoir si les joueurs font le ramadan? A mon époque, on ne me posait pas la question de savoir 'fais-tu le ramadan ou non?'. Aujourd'hui, c'est limite devenu un débat sociétal donc on veut savoir combien de joueurs le font", s’est agacé l’ancien international pour qui la question du jeûne "devrait rester dans la sphère privée". Il est fort probable en revanche que le sempiternel débat sur la meilleure façon de concilier jeûne et pratique sportive intensive resurgisse dans les discussions publiques dès l'année prochaine.

Article original publié sur RMC Sport