L'idée d'un réchauffement entre l'UE et Minsk fait son chemin

par Adrian Croft et Alastair Macdonald BRUXELLES (Reuters) - Le rôle joué par le président biélorusse Alexandre Loukachenko comme médiateur dans la crise ukrainienne pourrait influer sur les liens entre Bruxelles et Minsk et faciliter un réchauffement des relations entre l'Union européenne et celui que l'Occident désigne comme le "dernier dictateur d'Europe". Edgars Rinkevics, le ministre letton des Affaires étrangères qui préside actuellement le conseil européen des chefs de la diplomatie de l'UE, est attendu vendredi dans la capitale biélorusse où deux accords de paix sur l'Ukraine ont été signés, en septembre 2014 et le 12 février dernier. "Je suis convaincu qu'il existe une fenêtre d'opportunité", a déclaré le ministre balte à la veille de sa visite. De sources diplomatiques, on n'exclut pas à terme un allègement des sanctions européennes contre Loukachenko. L'hypothèse d'inviter le chef de l'Etat biélorusse à un sommet européen en mai prochain est également évoquée. Contrairement à l'Ukraine et d'autres anciennes républiques soviétiques tentées par des accords de libre-échange avec l'UE, Loukachenko reste aligné sur la Russie, avec lequel il a signé l'accord d'appartenance à l'Union eurasienne, même s'il s'est montré critique sur certaines actions de Moscou en Ukraine. Alexandre Loukachenko n'a guère montré d'empressement à répondre aux inquiétudes de l'UE concernant des irrégularités électorales ou des abus contre l'opposition dans son pays et il figure depuis 2011, avec quelque 200 de ses partisans, sur une liste de personnalités interdites de déplacement au sein du bloc des Vingt-Huit. Mais des diplomates européens indiquent que des discussions sont en cours pour tenter d'améliorer les relations entre Minsk et l'UE. Un document interne listant des mesures envisageables a été adopté le mois dernier par les pays membres, même si l'UE souligne qu'elle a tout son temps. SOMMET DE RIGA Les efforts déployés par Alexandre Loukachenko pour contribuer à une solution diplomatique dans le conflit ukrainien, l'organisation du sommet quadripartite des 11 et 12 février à Minsk, auquel participaient la chancelière allemande Angela Merkel et le président français François Hollande, ont ouvert la possibilité d'une détente. "De plus en plus de signes montrent que la Biélorussie s'ouvre à l'Europe. Loukachenko a été très utile pendant les négociations de Minsk", déclare une source européenne. Le président biélorusse a fait savoir qu'il apprécierait d'être invité à un sommet programmé en mai prochain à Riga entre l'UE et six anciennes républiques soviétiques, disent d'autres sources à Bruxelles. Pour s'y rendre, il lui faudrait une autorisation de l'UE qui a renouvelé il y a trois mois son interdiction de voyager. La Lettonie, qui accueillera donc ce sommet du partenariat oriental les 21 et 22 mai, se dit prête à inviter Loukachenko. D'autres pays membres s'y opposent et aucune décision n'a été prise. Les diplomates européens sont bien conscients qu'après 21 ans au pouvoir, Alexandre Loukachenko joue double jeu entre Bruxelles et Moscou afin d'en tirer le meilleur avantage. Cependant, des négociations entamées il y a un an pour assouplir la délivrance aux Biélorusses de visas de courte durée pourraient déboucher sur des mesures concrètes au sommet de Riga, dit l'un d'entre eux. L'UE insiste cependant pour obtenir au préalable la libération de prisonniers politiques. Certains opposants sont favorables à cette idée d'un rapprochement. "Il faut garder en tête les droits de l'homme", dit l'ancien candidat à la présidentielle Alexandre Milinkevitch. "Mais il faut aussi tout faire pour mieux ancrer la Biélorussie à l'Europe." Le chef de l'Etat biélorusse paraît avant tout soucieux de trouver des moyens de relancer l'économie nationale qui est exposée à des problèmes avec la Russie. Son ministre des Affaires étrangères, Vladimir Makei, a posé clairement les limites de la stratégie de Minsk à l'issue d'une rencontre avec Edgars Rinkevics jeudi. "Certains veulent rejoindre l'UE dès demain. Certains souhaitent qu'on leur donne cette perspective. Et certains veulent simplement normaliser leurs relations avec l'Europe." (Jean-Stéphane Brosse pour le service français)