Liberté, ténacité, ingéniosité : l'aventure au féminin
Pour partir à la découverte d'univers inconnus, il faut de l'audace. Bien plus encore en tant que femme... Ce qui n'a pas dissuadé certaines personnalités fortes, dès le 18e siècle, de surmonter les préjugés pour, elles aussi, enrichir la connaissance humaine.
Cet article est issu du magazine Les Dossiers de Sciences et Avenir n°218 daté juillet/ septembre 2024.
"Il n'y a aucune raison pour qu'une femme ne puisse pas aller partout où va un homme, et même plus loin. Si elle aime voyager, si elle est attirée par ce qui est étrange, mystérieux et désolé, rien ne la retiendra dans son foyer." Dixit la journaliste et photographe américaine Harriet Chalmers Adams (1875-1937), qui explora l'Amérique du Sud avec son époux avant de devenir, en 1925, la première présidente de la Society of Women Geographers.
Pourtant, au début du 20e siècle, la plupart des sociétés savantes excluent toujours les femmes, ou n'en accueillent qu'un nombre restreint, ce qui explique les voies détournées qu'elles doivent emprunter pour étudier les contrées lointaines. Travestissement, acceptation d'un rôle subalterne ou minimisation de leur contribution…Tous les subterfuges sont bons pour exaucer sans sauf-conduit ce qui relève d'une aspiration profonde : parcourir le monde, s'éloigner d'une société trop corsetée, vivre de manière exaltante et élargir l'éventail des connaissances humaines. Tous ces désirs, l'ethnologue française Odette du Puigaudeau (1894-1991) les réunit en un seul terme : "L'Aventure [dont le but] n'est pas de gagner, mais d'apprendre. " Un mot qui a tout son sens pour celle qui a traversé le Sahara occidental à dos de dromadaire entre les années 1930 et 1950.
Le premier obstacle que les femmes ont à surmonter, c'est tout bonnement l'interdiction de leur présence à bord d'un navire ! Pour contourner ce prétexte officiellement destiné à éviter le "désordre", il faut donc se faire passer pour un homme, comme Jeanne Barret (1740-1807) qui se coupe les cheveux et se bande la poitrine pour embarquer en 1767 sur L'Étoile en qualité de valet de Philibert Commerson (1727-1773), botaniste de l'expédition de Bougainville. Autrefois domestique du naturaliste, la jeune femme est entre-temps devenue sa concubine ; auprès de lui, elle a appris à re[...]