Liban : qu'est-ce que le Hezbollah, mouvement ciblé par Israël lors de frappes qui ont fait des centaines de morts ?
Ce parti politique et groupe paramilitaire libanais est au coeur de l'escalade des tensions entre Israël et le Liban, faisant craindre un embrasement régional.
Le front de la guerre à Gaza est-il en train de se déplacer vers le Liban ? Alors qu'Israël concentrait, depuis l'attaque du 7 octobre, ses efforts militaires sur la bande de Gaza, faisant plus de 41 000 morts selon un dernier bilan du Hamas, ces derniers jours, c'est le Liban et plus particulièrement le Hezbollah qui est visé.
Depuis le coeur de l'été, Israël a intensifié ses frappes sur le Liban pour cibler des membres du Hezbollah, à la fois parti politique et groupe paramilitaire libanais. Mais l'explosion simultanée de bipeurs et de talkies-walkies des membres du Hezbollah le 17 septembre attribuée par plusieurs sources à l'armée israélienne a entrainé une escalade de la violence entre les deux camps.
Plus de 500 morts et 5 000 blessés en une semaine
Ces derniers jours, les frappes israéliennes sur la capitale libanaise Beyrouth et sa banlieue se sont multipliées, faisant au moins 558 morts dont 50 enfant et 5 000 blessés en moins d'une semaine selon le ministère de la Santé. De son côté, le Hezbollah a tiré des salves de roquettes, et un missile sur Tel-Aviv.
Une escalade de violence qui fait craindre à la communauté internationale un embrasement régional, "le Liban est au bord du gouffre" a mis en garde le chef de l'ONU, qui réunit un conseil de sécurité en urgence.
Le Hezbollah fondé en 1982 avec l'appui de l'Iran
L'escalade de violence entre Israël et le Hezbollah semble s'inscrire dans un contexte d'opposition armée entre l'État hébreu et l'organisation libanaise, qui dure depuis la création de cette dernière. De fait, et comme le rappelait en 2010 la BBC, le Hezbollah a été fondé en 1982 à la suite de l'invasion par Israël du sud du Liban.
À l'origine de la création du groupe armé, des religieux chiites ont reçu le soutien "de quelque 2 000 gardiens de la révolution iranienne, qui avait été envoyé dans le pays pour aider la résistance contre Israël", indique le média britannique. Fraîchement installée (à la suite de la révolution de 1979), la République Islamique d'Iran a donc participé dès le départ à la structuration et au financement du Hezbollah.
La "destruction finale" d'Israël comme objectif
L'organisation s'est ensuite structurée progressivement comme un groupe paramilitaire, mais aussi comme un mouvement politique, en combinant une dimension religieuse, prônant l'instauration au Liban d'un régime islamique, et une dénonciation à la fois de l'occupation israélienne au Liban, mais aussi de l'existence pure et simple de l'Etat hébreu.
Un article du Monde daté de 2015 explique ainsi que "dans son manifeste fondateur, la 'Lettre ouverte aux opprimés au Liban et dans le monde', publié en 1985, l’Etat juif est présenté comme le 'mal absolu', l’'ennemi central' de l’Oumma, la communauté des croyants. Le djihad est un 'devoir religieux', qui doit viser non pas seulement à la libération du territoire national mais à la 'destruction finale' de 'l’entité sioniste'."
Des attentats commis en France dans les années 1980
Dans les années 1980, cette opposition frontale à Israël s'est traduite par des actions armées sur le territoire occupé dans le sud du Liban, mais aussi par des actions ciblées contre les forces militaires envoyées par l'ONU, considérées comme des alliés de Tsahal. En octobre 1983, deux attentats suicide sont ainsi perpétrés à Beyrouth, faisant environ 300 morts, dont 58 soldats français et plus de 200 américains.
De plus en plus puissant, le Hezbollah va ensuite diversifier ses modes d'action, se livrant à plusieurs prises d'otages au Liban et commanditant également des attentats à l'étranger. Entre 1985 et 1986, une série d'attaques à la bombe touche ainsi la France, faisant au total 15 morts et plus de 300 blessés.
En conflit permanent avec Israël depuis plus de 40 ans
C'est cependant sur le territoire libanais que l'organisation concentre ses forces pendant toute la fin du XXe siècle. Toujours financé par l'Iran et désormais soutenu par l'armée syrienne, le mouvement prend le dessus sur ses adversaires militaires libanais à la fin des années 1980, au prix de conflits sanglants, et poursuit ses actes de guérilla contre l'armée israélienne.
Le retrait de cette dernière du Liban en 2000 ne provoque pas le désarmement de la branche militaire du Hezbollah. Depuis cette date, plusieurs escarmouches militaires entre les deux camps se sont produits, notamment sous la forme de tirs de roquettes depuis le Liban contre les positions de Tsahal ou de raids aériens israéliens contre des cibles stratégiques du Hezbollah. Ce dernier a également pris part à la guerre civile en Syrie à partir de 2011, en soutien des troupes de Bachar al-Assad.
Parti de gouvernement et "Etat dans l'Etat"
Sur le plan civil, le Hezbollah n'a cessé de se structurer au cours des années 1990, s'installant durablement dans le paysage politique libanais en adoptant une ligne moins radicale. Membre d'une coalition pro-syrienne lors des élections de 2005, qui suivirent l'assassinat du Premier ministre Rafic Hariri, le "Parti de Dieu" (signification du terme Hezbollah en arabe) entre alors au Parlement, mais aussi au gouvernement libanais pour la première fois.
Après une crise provoquée par un nouvelle guerre avec Israël en 2006, le Hezbollah est resté une composante majeure de l'échiquier politique libanais, participant à plusieurs gouvernements depuis 15 ans, dont celui de Najib Mikati, en place depuis 2021. Comme l'indique le correspondant du Monde à Beyrouth, Benjamin Barthe, le parti a aussi déployé ses ramifications dans les services de sécurité et dans d'autres administrations.
Souvent considéré comme un "Etat dans l'Etat" - "ou plutôt un Etat dans le non-Etat, tant les failles de l’appareil administratif libanais sont béantes", corrige Benjamin Barthe -, le Hezbollah a par exemple veillé à se doter d'un réseau de télécommunications indépendant des structures nationales. C'est précisément ce réseau parallèle qui a été la cible des attaques perpétrées ces 17 et 18 septembre 2024.