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Liban: La tension monte d'un cran après une interview du président Aoun

par Ellen Francis et Tom Perry

BEYROUTH (Reuters) - La tension est montée d'un cran mercredi au Liban après une prise de parole du président Michel Aoun, qui en réclamant la fin du mouvement de contestation et en excluant un gouvernement purement technocrate, a provoqué une nouvelle vague de manifestations, plongeant encore un peu plus le pays dans le chaos.

Dans un entretien télévisé diffusé à une heure de grande écoute mardi soir, le chef de l'Etat libanais a indiqué qu'il n'y avait aucune avancée majeure dans les discussions sur la formation d'un nouveau gouvernement, après la démission du Premier ministre Saad Hariri le 29 octobre dernier.

Michel Aoun a par ailleurs estimé qu'un gouvernement purement technocrate, que de nombreux manifestants appellent de leurs voeux, ne serait pas en mesure de gouverner le pays et devait inclure aussi des politiciens, et a appelé à la fin des manifestations.

"Si vous continuez de la sorte, vous allez heurter le Liban et vos intérêts", a-t-il lancé aux manifestants. "Nous travaillons jour et nuit pour rétablir la situation (...) S'ils continuent ainsi, il y aura une catastrophe. S'ils arrêtent, il y a encore la possibilité (pour nous) de réparer les choses".

Quelques minutes seulement après cette prise de parole, des manifestants sont de nouveau descendus dans les rues, bloquant des routes en différents points du pays, et pour certains d'entre eux incendiant des pneus.

"Nous sommes fatigués des autorités qui agissent en permanence comme si nous ne faisions rien. Le président s'exprime en direct et nous parle comme si nous étions des enfants (...) Respectez-nous un peu", a déclaré Linda Boulos Mikari, une manifestante du nord de la capitale.

ALTERCATION

A Khaldeh, au sud de Beyrouth, un homme a été tué par balle mardi après une altercation avec des soldats. La victime était un membre du parti politique dirigé par le druze Walid Djoumblatt, un opposant de longue date de Michel Aoun, qui a appelé ses partisans au calme.

Dans un communiqué, l'armée a indiqué qu'un soldat avait ouvert le feu pour disperser les manifestants qui bloquaient une route à Khaldeh, faisant un blessé. Ce soldat a été placé en détention et une enquête a été ouverte.

Des affrontements ont également éclaté mercredi dans le quartier majoritairement chrétien de Jal al Dib lorsque des manifestants se sont retrouvés face à des partisans de Michel Aoun, selon des images retransmises par la chaîne de télévision LBC.

Quatre semaines après son lancement, le mouvement de protestation - né en réaction au projet gouvernemental de taxer les appels téléphoniques passés depuis l'application WhatsApp, projet abandonné depuis - ne donne aucun signe d'affaiblissement.

Les manifestants continuent d'exiger le départ de l'ensemble de la classe politique actuellement au pouvoir qu'ils accusent d'avoir pillé l'économie du pays, qui connaît sa pire crise économique depuis la guerre civile des années 1975-1990.

Depuis le début du mouvement le 17 octobre, la situation a encore empiré. Fermées durant une quinzaine de jours en octobre du fait des manifestations, les banques ont de nouveau baissé rideau mardi dans le cadre d'une grève de leurs employés qui se disent inquiets des risques sécuritaires liés aux clients demandant à récupérer leur argent et aux manifestants.

La grève se poursuivra mercredi.

(Ellen Francis et Tom Perry, version française Jean Terzian et Marine Pennetier, édité par Jean-Michel Bélot)