Dans "L'Homme aux trois lettres", Pascal Quignard explore les origines de la littérature

L'origine du mot s'est perdue dans les brumes de l'Histoire : littera n'a pas de dérivé mais dérive au gré des siècles drapée dans son propre mystère. La littérature demeure cette "proie insaisissable" à l'affût de laquelle des régiments d'écrivains et de lecteurs ont passé leur existence dans l'espoir d'en dérober l'étincelle à défaut d'en comprendre l'alchimie.

Lire aussi - L'écrivain Pascal Quignard : "Je vous souhaite d'avoir un jour 72 ans"

 

Afin d'incarner cette quête, Pascal Quignard emprunte au latin le mot fur, le "voleur", qui devient sous sa plume "l'homme aux trois lettres", soit celui qui dérobe des fragments du monde le précédant pour exister. "Chaque lettré (fur) a volé aux lettrés morts – à tous les morts qui font l'amont du monde – l'écriture où leur quête est ensevelie." Mais voleurs, nous le sommes tous en ce que nous empruntons dès notre naissance une langue, une culture, un savoir que nous n'avons pas choisis.

Le premier royaume, celui du ventre de la mère

Notre nom lui-même nous est imposé. Face au sentiment de culpabilité que ce larcin originel engendre, le remède tiendrait en deux fois trois lettres : écrire. "Écrire fonde un nouveau royaume face à cette tyrannie", permet de nous réapproprier ce que nous avons volé, de prendre du recul face à la langue comme le peintre recule devant sa toile pour l'apprécier.

Ainsi L'Homme aux trois lettres nous incite-t-il à faire renaître les mots sur lesquels reposent nos sphères intime et sociale, à leur rendre une s...


Lire la suite sur LeJDD