L'hiver en octobre: pourquoi les téléfilms de Noël sont diffusés toujours plus tôt
Les feuilles ont à peine commencé à se décrocher des branches, les températures restent au-dessus des 12 degrés... mais la télévision sort déjà les rennes et les grelots. Les traditionnels téléfilms de Noël ont envahi le petit écran dès cette semaine, marquant le lancement de leur période hivernale sur les chaînes de télé en plein cœur de l'automne - et plus de deux mois avant le 25 décembre.
C'est TF1 qui a donné le coup d'envoi lundi 14 octobre, avec Mon conte de fées de Noël à 14h20 suivi de Noël au château enchanté à 16 heures. W9, du groupe M6, la talonne avec Mon Père Noël bien-aimé, Une famille pour Noël et L'amour revient toujours à Noël, diffusés coup sur coup ce samedi 19 octobre dans l'après-midi.
Une preuve que ces longs-métrages nord-américains qui mêlent intrigues romantiques ou familiales cousues de fils blancs, paysages enneigés, dose bien bourrative de bons sentiments et budget limité ont définitivement trouvé leur public dans l'Hexagone: les téléfilms de Noël se sont imposés comme un genre à part entière, plébiscité par les grandes chaînes.
Toujours plus tôt
Cette précipitation des grilles télé résulte d'une tendance qui n'est allée qu'en s'accélérant au cours des dix dernières années. Les chiffres de TF1 sont sans appel: en 2014, la première chaîne a diffusé son premier film de Noël de l'année le 6 décembre. En 2019, cette première diffusion avait eu lieu un mois plus tôt. Et cette année, elle a encore été avancée de trois semaines.
"La télévision se cale sur le temps social", analyse pour BFMTV.com François Jost, directeur de la revue Télévision aux éditions CNRS et auteur du livre L'Opinion qui ne dit pas son nom: du pluralisme des médias en démocratie (Gallimard).
"Cette référence à Noël mise en place de plus en plus tôt, on la retrouve aussi dans les magasins et le marketing. Cette question sur la précocité des téléfilms pourrait aussi se poser au sujet des grandes surfaces."
D'autant que les chaînes de télévision auraient tort de se priver: les téléfilms de Noël sont un carton assuré, et offrent aux après-midis télévisuels l'un de leurs temps forts annuels.
"Ils l'attendent chaque année"
"C'est devenu un rendez-vous pour nos téléspectateurs", assure à BFMTV.com Agathe Guillemet, responsable artistique des acquisitions de téléfilms pour TF1. "Ils l'attendent chaque année avec impatience."
"Nous travaillons avec les plus grands distributeurs de téléfilms américains", explique Agathe Guillemet. "Nous sélectionnons sur script, ou sur visionnage, les téléfilms les plus forts."
Les chiffres lui donnent raison: "Lundi 14 octobre, pour le retour de nos films de Noël, Mon conte de fées de Noël a réuni 1,2 million de téléspectateurs et 32% de part d'audiences sur les femmes responsables des achats (la cible privilégiée, NDLR)", avance-t-elle. À titre de comparaison, à la même heure, le magazine Ça commence aujourd'hui sur France 2 n'a pas atteint la barre du million de téléspectateurs, selon Toute la télé.
En outre, les audiences de l'après-midi augmentent avec les téléfilms de Noël. En 2021, le quotidien Les Echos rapportait que les 70 longs-métrages diffusés par TF1 avaient représenté une part d'audience de 30% sur les ménagères, soit près de dix points de plus que les téléfilms diffusés à la même heure sur le reste de l'année.
"Toujours la même formule"
Même embellie du côté de M6: cette année-là, elle a réuni en moyenne 0,7 million de téléspectateurs devant ses films de Noël contre 0,5 million habituellement, selon le même journal.
"C'est toujours la même formule, presque comme un livre de coloriages pour enfants: on sait ce qui nous attend sur la page suivante", expliquait à BFMTV.com le Britannique Mark Connelly en 2022 afin d'expliquer le succès de ces longs-métrages.
Ce professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Kent, auteur du livre Christmas at the Movies: Images of Christmas in American, British and European Cinema (I. B. Tauris), livrait cette analyse:
"Dans le monde anglophone, la période de Noël est pleine de rituels. On fait, on mange, on achète les mêmes choses aux mêmes moments. Ces films jouent là-dessus: ils offrent un cycle prévisible, personne n'est choqué, tout le monde est réconforté."
"Promesse de bonheur"
Un réconfort dont les téléspectateurs seront sans doute demandeurs cette année, plus que jamais: "Noël est une sorte de promesse de bonheur, de réconciliation, de cadeaux", analyse François Jost. "Dans un contexte qui n'est pas très agréable actuellement, c’est une raison d’espérer."
"La période de guerre, d’incertitude politique, d’augmentation des impôts dans laquelle nous sommes, c'est déprimant", explique François Jost. "Les téléfilms de Noël permettent une sorte de trêve. Là est l'intérêt pour les chaînes."