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L'exécutif veut unir à gauche sans sacrifier son cap

La déroute socialiste aux élections départementales place l'exécutif devant une équation difficile: rassembler une gauche divisée avant les prochains scrutins sans sacrifier une politique économique qui commence selon lui à porter ses fruits. /Photo prise le 29 mars 2015/REUTERS/Philippe Wojazer

par Emmanuel Jarry PARIS (Reuters) - La déroute socialiste aux élections départementales place l'exécutif devant une équation difficile: rassembler une gauche divisée avant les prochains scrutins sans sacrifier une politique économique qui commence selon lui à porter ses fruits. Les dirigeants du PS s'y sont attelés lundi en recevant ceux d'Europe Ecologie-Les Verts et, signe de la gravité de l'heure, le Premier ministre Manuel Valls a annulé un déplacement en Allemagne pour mener des consultations. Le leader communiste Pierre Laurent, demandeur d'accords électoraux pour les régionales de décembre, devrait suivre. Seul le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon, arc-bouté sur sa stratégie anti-PS, n'a pas répondu à l'invitation. François Hollande, Manuel Valls et les dirigeants du PS imputent aux divisions de la gauche une défaite qui se solde pour leur parti par la perte de 26 départements. Après ce quatrième échec électoral en moins de trois ans, la "stratégie du gros dos", n'est plus de mise, a dit à Reuters le politologue Pascal Perrineau. "Il faut une réponse sur le fond." Si le chef de l'Etat et le Premier ministre ne ramènent pas au moins une partie des élus PS "frondeurs" et des écologistes dans la majorité, ils s'exposent à une nouvelle déroute lors des régionales de décembre, a-t-il ajouté. Un diagnostic largement partagé à la tête de l'Etat comme au PS. La question étant: le rassemblement à quel prix? "Il faut rassembler mais pas que ce soit synonyme d'immobilisme", a dit à Reuters le député PS Christophe Caresche. "C'est toute la difficulté: donner des signes mais pas au détriment de la cohérence de la politique économique." François Hollande et Manuel Valls ont déjà annoncé qu'ils n'entendaient pas changer d'orientation économique, promettant tout au plus un effort sur l'investissement privé et public. "ACCÉLÉRER LES RÉFORMES" "Ce serait un élément de confusion pour les acteurs économiques", souligne Christophe Caresche. "On ne va pas remettre en cause, par exemple, les allègements de charges." "Ce n'est pas le moment, alors qu'on commence à avoir des résultats et que les entreprises reprennent confiance, ce qui montre que nous avons eu raison de nous obstiner", renchérit la porte-parole du PS Corinne Narassiguin. Pas question non plus de remettre en cause la politique de "sérieux budgétaire" et de lutte contre les déficits, dit-elle. D'autant que la France, qui vient d'arracher un nouveau délai de deux ans pour ramener ses déficits publics sous la barre de 3% du PIB, est sous haute surveillance européenne. "La question du cap économique et de la politique pro-entreprise est devenue non négociable, même si on peut discuter d'aménagements limités en matière d'accompagnement social et dans le champ écologique", fait valoir Corinne Narassiguin. Un sondage Ipsos diffusé dimanche paraît donner raison à l'exécutif: seules 28% des personnes interrogées demandent une politique "plus à gauche", alors qu'elles sont 40% à vouloir une politique "ni plus ni moins à gauche" et 32% "moins à gauche". "Ce qu'il faudrait, c'est plutôt accélérer les réformes", souligne Christophe Caresche, pour qui le risque est avant tout un retour de la croissance sans diminution sensible du chômage. Il estime que la loi sur le travail en préparation devrait instaurer la possibilité de négocier dans les entreprises des accords "offensifs" modulant, par exemple, la durée du travail, et pas seulement en cas de difficultés. Cet élargissement des accords de maintien dans l'emploi, proposé par le Medef, est "clairement sur la table", précise Corinne Narassiguin, de même que la possibilité de simplifier les contrats de travail pour les PME, notamment en matière de période d'essai, pour encourager les embauches. FIN DE CYCLE "Ce sont des sujets difficiles pour la gauche", admet Christophe Caresche, pour qui la difficulté tient aussi au fait que les syndicats "sont très crispés sur cette question". "Cela approfondira les contradictions internes de la gauche", renchérit Pascal Perrineau. "Mais c'est la fin d'un cycle pour la gauche et il faut réinventer autre chose." Le gouvernement peut en revanche tenter de trouver avec au moins une partie des écologistes un terrain d'entente sur des thèmes comme la transition énergétique. "Nous considérons que les vrais sujets, pour nous écologistes, c'est la transition énergétique, la politique des transports, la lutte contre le changement climatique", confirme François de Rugy, coprésident du groupe EELV à l'Assemblée. Il fait partie des dirigeants d'EELV qui militent pour un retour des Verts au gouvernement et retrouveront samedi d'autres figures de l'écologie politique, hors EELV, pour examiner la possibilité de créer un nouveau mouvement. La lutte contre les inégalités peut être un moyen d'apaiser au moins une partie des "frondeurs" du PS. Mais là encore, les marges, notamment en termes de redistribution, sont faibles. Corinne Narassiguin évoque les petites retraites, l'accès au logement et la lutte contre les inégalités territoriales. La partie est cependant loin d'être gagnée. Les "frondeurs" ont diffusé dimanche soir leurs exigences, dont une révision des règles budgétaires européennes et la fin des négociations entre l'Union et les Etats-Unis sur un partenariat transatlantiques. En tout état de cause, dit-on au PS, s'il y a remaniement au-delà d'ajustements techniques, il n'aura de sens qu'en cas d'accords de rassemblement de la majorité. (Avec Elizabeth Pineau, édité par Yves Clarisse)