L'Europe termine en baisse, coup de froid sur le commerce

par Juliette Rouillon

PARIS (Reuters) - Les Bourses européennes ont terminé en baisse mercredi dans un contexte de tensions internationales et après les déclarations du négociateur en chef américain selon lesquelles Washington et Pékin sont encore loin d'un accord sur le commerce.

Les différends avec la Chine sont trop sérieux pour être réglés avec la simple promesse d'acheter plus de produits américains et tout accord entre les deux pays devra comporter un moyen de vérifier que les engagements sont tenus, a déclaré mercredi Robert Lighthizer, représentant américain au Commerce.

À Paris, l'indice CAC 40 a terminé en baisse de 0,26% à 5.225,35 points. Le Footsie britannique a perdu 0,61% et le Dax allemand 0,46%.

L'indice EuroStoxx 50 a cédé 0,20%, le FTSEurofirst 300 0,33% et le Stoxx 600 0,28%.

"Le consensus général est que les négociations avancent mais ne sont peut-être pas à plein régime", dit Bucky Hellwig de BB&T Wealth Management.

Les marchés étaient gagnés dès l'ouverture par la vague d'inquiétude qui a démarré en Asie face aux tensions entre l'Inde et le Pakistan, alors qu'a débuté à Hanoï le deuxième sommet entre les Etats-Unis et la Corée du Nord.

Le Pakistan a annoncé mercredi avoir abattu deux chasseurs de l'armée de l'air indienne mais précise n'avoir pas eu d'autre choix et ajoute qu'il ne souhaite pas une escalade entre les deux puissances nucléaires.

Donald Trump et le leader nord-coréen Kim Jong-un se sont de leur côté entretenus à Hanoï en se disant optimistes sur la possibilité de parvenir à un résultat "encore meilleur" qu'à Singapour huit mois plus tôt.

L'attention était également suspendue à la nouvelle intervention du président de la Réserve fédérale américaine, devant la Commission des Services financiers de la Chambre des représentants cette fois. Jerome Powell a réaffirmé que la croissance de l'économie devrait rester solide cette année malgré la montée des risques et redit que la Fed resterait "patiente" en ce qui concerne de futures hausses de taux. Il a ajouté qu'un accord pourrait être bientôt annoncé sur la gestion du bilan de la banque centrale.

VALEURS

Les valeurs bancaires affichent l'une des rares hausses sectorielles en Europe, avec un gain de 1,5% de leur indice Stoxx, soutenues par les banques italiennes (+2,29%) à la suite de propos en Italie pour la suppression des règles de sauvetage des banques en difficulté.

Giovanni Tria, le ministre italien de l'Economie, s'est prononcé mercredi pour la suppression des règles dites de "bail-in" instaurées dans l'Union européenne pour régler les faillites bancaires.

Commerzbank, qui a pris 4,64% à la suite d'une énième rumeur de rapprochement avec Deutsche Bank (+1,99%), a aussi contribué à la hausse du secteur. Une porte-parole du ministère allemand des Finances a refusé de commenter une rumeur selon laquelle le gouvernement visait une fusion.

Air France-KLM a accusé sa plus mauvaise séance depuis fin 2008 avec une chute de 11,74% après l'annonce de l'entrée au capital de l'Etat néerlandais, qui entend détenir le même niveau de participation que l'Etat français, ce qui alimente les craintes d'un conflit politique susceptible de freiner la restructuration du groupe.

Cette chute a pesé sur l'ensemble du secteur des transports, en repli de 1,53%, plus forte baisse sectorielle en Europe.

Deuxième plus net recul sectoriel, les biens de consommation courante dont l'indice a perdu 1,07%, pénalisé par la prévision de marge d'exploitation décevante de l'allemand Beiersdorf.

Le titre du groupe allemand a chuté de 9,81% pour tomber à un plus bas de deux ans.

Egalement en baisse, Marks and Spencer a perdu 12,46% à Londres après l'annonce de la création d'une coentreprise avec Ocado (+2,93%) dans la distribution alimentaire en ligne qu'il financera via une augmentation de capital et une baisse de 40% du dividende.

Parmi les hausses, BioMérieux (+6,51%) s'est distingué, le spécialiste des diagnostics in vitro ayant publié une croissance organique supérieure au consensus et les résultats trimestriels du chimiste allemand Bayer ont été bien accueillis (+4,18%).

A WALL STREET

La Bourse de New York a elle aussi légèrement accentué ses pertes après les propos prudents de Robert Lighthizer sur les négociations avec la Chine, d'autant que les cours ont bien rebondi depuis le début de l'année.

Le changement de ton de la Fed et l'optimisme autour des négociations sino-américaines ont favorisé les marchés actions ces dernières semaines, permettant au S&P 500 de revenir à quelque 5% de sa clôture record inscrite fin septembre.

Au moment de la clôture en Europe, l'indice Dow Jones perd 0,38, le Standard & Poor's 500, plus large, recule de 0,25% et le Nasdaq abandonne 0,30%.

Le groupe pharmaceutique Mylan chute de 11,4% en réaction à des résultats trimestriels et de prévisions inférieurs aux attentes, alors que le distributeur d'électronique grand public Best Buy grimpe de 16,71% après des ventes meilleures que prévu pendant les fêtes.

LES INDICATEURS DU JOUR

En Europe, le sentiment économique s'est altéré un huitième mois d'affilée en février, et ressort à un nouveau plus bas de deux ans, les entreprises industrielles étant plus pessimistes sur leurs stocks, leurs carnets de commandes et leurs perspectives de production.

Aux Etats-Unis, les nouvelles commandes à l'industrie ont à peine augmenté en décembre et les dépenses des entreprises en équipements ont été nettement plus faibles que prévu, reflétant un ralentissement de l'activité manufacturière, selon des données du département du Commerce.

Les promesses de ventes de logements anciens ont augmenté de 4,6% en janvier, selon la Fédération nationale des agents immobiliers.

CHANGES

Le yen a momentanément atteint un plus haut depuis le 15 février face au dollar, et le franc suisse un pic de trois semaines, profitant de leur statut de valeurs refuge face aux tensions entre l'Inde et le Pakistan.

La livre sterling a franchi le seuil de 1,33 dollar pour la première fois depuis cinq mois. La devise britannique monte depuis que Theresa May a proposé mardi aux députés britanniques, s'ils ne ratifient pas d'ici au 12 mars le projet d'accord de retrait négocié avec les Européens, de voter sur un Brexit sans accord à la date prévue du 29 mars puis sur un report court et limité de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.

L'euro recule de 0,18% autour de 1,1366 dollar.

TAUX

Le rendement des Treasuries à dix ans progresse à 2,68% après que Jerome Powell a encore une fois insisté sur la "patience" concernant les futures hausses de taux lors de sa deuxième audition devant le Congrès.

En Europe, le dix ans allemand avance aussi à 0,15%.

PÉTROLE

Les cours du brut sont en hausse pour le deuxième jour d'affilée après une baisse inattendue des stocks de brut aux Etats-Unis et des signes que l'Arabie saoudite ne compte pas céder à la pression de Donald Trump sur l'Opep pour tenter d'éviter de nouvelles hausses des prix du pétrole.

L'Opep et ses alliés ne diminuent que progressivement leur production de pétrole, a déclaré mercredi le ministre saoudien de l'Energie, Khalid al-Falih, en réponse au président Donald Trump qui leur demande de relâcher leurs efforts pour soutenir les cours du brut.

(avec Caroline Valetkevitch à New York, édité par Véronique Tison)