L'Europe reste divisée sur la question de l'énergie nucléaire

L'Europe reste divisée sur la question de l'énergie nucléaire

La France, premier pays européen pour l'énergie nucléaire, envisage une loi pour accélérer la construction de nouveaux réacteurs.

Alors que le continent est confronté à une crise énergétique provoquée par l'invasion russe de l'Ukraine, ce projet s'inscrit dans le cadre de la volonté d'indépendance énergétique du président Emmanuel Macron. Ce dernier a déclaré que la modernisation était essentielle pour atteindre cet objectif.

Le projet de loi vise à rationaliser le processus d'approbation et de construction de nouvelles centrales dans le pays. Il prévoit également de revenir sur l'engagement pris par François Hollande de réduire la part du nucléaire dans la production d'électricité du pays à 50 %.

Mais la volonté de relancer le nucléaire a provoqué des frictions avec d'autres pays européens, comme l'Allemagne.

Alors que certains États membres de l'UE soutiennent totalement le nucléaire, avec des réacteurs produisant une grande partie de leurs besoins en énergie, d'autres ont une histoire plus compliquée avec l'atome et une opinion publique négative qui exclut complètement le nucléaire.

Alors qu'un tiers des réacteurs nucléaires actuellement en service dans l'UE approchent de la fin de leur cycle de vie en 2025, ce débat laisse planer le doute sur l'avenir de cette source d'énergie dans l'Union européenne.

Alors pourquoi l'énergie nucléaire est-elle un sujet qui divise autant l'Europe ?

Quelle est la part du nucléaire dans la production énergétique européenne ?

Environ un quart de l'énergie de l'UE est d'origine nucléaire, dont plus de la moitié est produite en France. Au total, 103 réacteurs sont en service dans 13 des 27 États membres. En 2019, ils ont fourni environ 50 % de l'électricité à faible teneur en carbone.

Au sein de l'Union européenne, les opinions sur l'utilisation de l'énergie nucléaire sont très variées. Ces divergences, auxquelles s'ajoutent des préoccupations en matière de sécurité, font souvent du nucléaire un sujet controversé. Chaque État membre choisit d'inclure ou non l'énergie nucléaire dans son bouquet énergétique.

De nombreux gouvernements se trouvent donc dans une situation où ils doivent décider de l'avenir du nucléaire dans leur pays.

Quels sont les pays qui s'opposent à l'énergie nucléaire ?

Après l'incident de Three Mile Island en 1979, puis la catastrophe de Tchernobyl en 1986, l'opinion publique sur l'énergie nucléaire a radicalement changé. En Allemagne, les craintes concernant la sécurité ont stimulé le mouvement écologiste et le parti vert du pays.

En 2002, le gouvernement allemand de centre-gauche a adopté une loi interdisant la construction de nouvelles centrales nucléaires. Tous les réacteurs existants devaient également fermer à l'avenir.

Cette mesure s'inscrivait dans le cadre d'un abandon des combustibles fossiles au profit de sources d'énergie telles que l'énergie éolienne et solaire, que le pays considère comme véritablement renouvelables. Bien que le nucléaire soit considéré comme "à faible émission de carbone" car les réacteurs nucléaires ne produisent pas d'émissions directes de CO2, il repose sur l'uranium comme combustible, dont l'extraction et le raffinage sont très énergivores.

En 2010, Angela Merkel a annoncé que la durée de vie des centrales nucléaires allemandes serait prolongée afin d'accroître l'approvisionnement en énergie à faible teneur en carbone.

Christof Stache/AFP
Une manifestation contre l'énergie nucléaire avec des drapeaux et des banderoles le 28 mai 2011. - Christof Stache/AFP

Un an plus tard, l'incident de Fukushima, au Japon, a de nouveau suscité des inquiétudes. Des mois de manifestations massives contre le nucléaire ont eu lieu dans tout le pays, amenant le gouvernement Merkel à annoncer la fermeture de toutes les centrales nucléaires d'ici à 2022.

Aujourd'hui, il ne reste plus que trois centrales nucléaires dans le pays. La menace d'insécurité énergétique liée à la guerre en Ukraine a prolongé leur durée de vie au-delà de cette échéance. En octobre dernier, le chancelier Olaf Scholz a déclaré qu'elles resteraient ouvertes jusqu'en avril 2023 pour éviter une pénurie d'énergie. Les derniers réacteurs viennent d'être mis hors de services.

Deux autres pays ont complètement abandonné l'énergie nucléaire pour la production d'électricité après avoir eu des réacteurs en activité : l'Italie et la Lituanie.

En Italie, le sujet est controversé. Toutes les centrales du pays ont été fermées en 1990 à la suite d'un référendum sur l'énergie nucléaire. Depuis, le gouvernement a tenté de proposer une relance, notamment en 2008 avec un projet de construction de 10 nouveaux réacteurs.

Une fois de plus, l'accident nucléaire de 2011 au Japon a fait basculer l'opinion publique, 94 % des électeurs se prononçant pour l'interdiction de la construction lors d'un référendum organisé peu de temps après.

Cette source d'énergie est également controversée dans d'autres États membres, dont la Belgique, le Portugal, le Danemark et l'Autriche, autre grande voix antinucléaire.

Quels sont les pays à l'origine de la poussée pro-nucléaire ?

La France est depuis longtemps un leader européen dans le domaine de l'énergie nucléaire, qu'elle s'efforce de faire reconnaître comme une source d'énergie à faible teneur en carbone. Depuis les années 1980, le nucléaire est une source dominante d'électricité dans le pays, qui en tire souvent la plus grande part de son énergie dans le monde.

En février, elle a fait partie des onze pays qui ont lancé une alliance pour l'énergie nucléaire en Europe. Ensemble, ils ont signé une déclaration affirmant que le nucléaire était "l'un des nombreux outils permettant d'atteindre nos objectifs en matière de climat, de produire de l'électricité de base et d'assurer la sécurité de l'approvisionnement".

Olivier Chassignole/AFP
Tours de refroidissement de la centrale nucléaire du Tricastin à Saint-Paul-Trois-Chateau, dans le sud de la France. - Olivier Chassignole/AFP

Le groupe est composé de la Bulgarie, de la Croatie, de la Finlande, de la République tchèque, de la Hongrie, des Pays-Bas, de la Pologne, de la Roumanie, de la Slovaquie et de la Slovénie, et donc de la France. L'objectif de l'alliance est de promouvoir la recherche, l'innovation et des "règles de sécurité uniformes", tout en examinant comment la coopération pourrait conduire à la construction de nouveaux réacteurs.

Malgré son histoire controversée, le nouveau gouvernement pro-nucléaire italien a également envisagé de signer la déclaration. Il constituerait un allié de poids pour les pays pro-nucléaires à la recherche d'un nombre suffisant de voix pour faire passer des textes législatifs essentiels, comme l'intégration de cette source d'énergie dans les objectifs climatiques de l'Union européenne.

Finalement, il a décidé de ne pas revenir sur sa position antinucléaire de longue date, mais cela montre que certains pays pourraient changer de point de vue face aux crises climatique et énergétique.