Que sont ces « lettres plafond » réclamées à Michel Barnier par Éric Coquerel et Charles de Courson ?
Les « lettres plafond » détaillent le budget alloué à chaque ministère. Tout sauf un détail, alors que le budget 2025 sera la première grande bataille du gouvernement Barnier à l’Assemblée.
POLITIQUE - Statut du courrier : bloqué chez l’expéditeur. Alors les destinataires ont décidé d’aller les chercher eux-mêmes. Éric Coquerel et Charles de Courson, respectivement président de la commission des Finances de l’Assemblée et rapporteur général du Budget, ont annoncé ce mardi 17 septembre se rendre à Matignon pour récupérer les « lettres plafond » que les services du Premier ministre n’ont pas voulu leur donner la veille.
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Mais les députés sont ressortis de Matignon les mains vides. Devant les journalistes, ils ont laissé parler leur colère et évoqué un « déni de démocratie ». Et envisagent désormais d’aller les chercher à Bercy.
Les lettres plafond déterminent les ressources dont dispose chaque ministère, c’est-à-dire les crédits par mission et le nombre maximum d’emplois. Elles sont établies après des conférences budgétaires, généralement entre avril et mai, « au cours desquelles les ministères exposent leurs demandes à la direction du Budget », explique le ministère de l’Économie et des Finances.
Les demandes font ensuite l’objet de négociations avec Bercy avant d’être transmises aux services du Premier ministre qui arbitre « à la fin du mois de juin » en théorie. Le tout, avec l’objectif de présenter un projet de loi le 1er octobre au Parlement.
Une question de délai
Sauf que l’absence de Premier ministre de plein exercice a bouleversé le calendrier. Mi-août, Matignon (toujours dirigé par Gabriel Attal) a fini par annoncer l’envoi des lettres plafond aux ministères concernées. Mais rien n’a été transmis à Éric Coquerel et Charles de Courson : « On n’a rien reçu, nous parlementaires, qui nous permette de commencer à travailler », s’est indigné le président de la commission des Finances sur BFMTV dimanche, en donnant 24 heures à Matignon pour corriger le tir.
Ce sera fait, promettaient alors les services du Premier ministre. Ou presque : Matignon a uniquement annoncé l’envoi dans la journée « d’un courrier » qui contiendra des « éléments susceptibles de répondre aux questions » des députés de la commission des Finances. « Un tiré à part », le squelette du budget, leur sera aussi envoyé « en fin de semaine, avec les grandes données tirées des lettres plafond », a précisé Matignon. Insuffisant pour les deux parlementaires qui ont donc décidé d’utiliser les grands moyens.
L’envoi des lettres plafond à la commission des Finances ne relève d’aucune obligation constitutionnelle ou organique, elles sont simplement une pratique administrative. Dans un courrier transmis à Bercy et consulté par La Tribune Dimanche le 11 septembre, Éric Coquerel et Charles de Courson reconnaissent eux-mêmes qu’« il n’est pas habituel de communiquer ces documents ». « Toutefois, le retard dans la transmission du tiré à part ne permet pas à la commission des Finances de préparer l’examen du projet de loi de finances pour 2025 dans des délais raisonnables », justifiaient-ils.
Une question de fond
Le projet de loi de finances est considéré comme l’un des textes les plus importants de chaque législature. Parce qu’il établit les budgets de chaque ministère, il est un bon indicateur des chantiers jugés prioritaires (dotés des plus gros budgets) des autres et est donc hautement politique. Sur BFMTV, Éric Coquerel a pris l’exemple du logement, domaine confié au ministère de la Cohésion des Territoires. « Vous connaissez la situation catastrophique du logement en France (...). Ça nous intéresse de savoir si la question du logement est impactée par la baisse de dépenses publiques », a-t-il expliqué.
Mi-août, la préparation des lettres plafond par le gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal avait fait tiquer. Bercy s’était justifié en rappelant qu’il était possible de les amender voire de les réécrire complètement. Michel Barnier en a-t-il l’intention ? Éric Coquerel n’y croit pas : « Je pense que [les lettres préparées par l’équipe de Gabriel Attal] vont être au moins la base de travail du prochain budget », estime le président de la commission des Finances sur France 2 ce lundi.
D’après une source au sein de l’exécutif interrogée par l’AFP, Matignon conserverait les crédits qui ont été fixés par le gouvernement sortant. De quoi faire hurler la gauche, très critique des postes de réduction des dépenses choisies par Bruno Le Maire et les gouvernements précédents. Il faudra vraisemblablement attendre encore quelques semaines pour être fixé. Le projet de budget pourrait finalement n’être présenté à l’Assemblée nationale que le 9 octobre après la déclaration de politique générale de Michel Barnier, a indiqué Matignon. Pour la première fois, la date du 1er octobre ne sera pas respectée.
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