Je milite donc je deviens lesbienne : "Je l’ai fait à plus de 60 ans. Il n 'y a pas d'âge pour ça"

Je milite donc je deviens lesbienne :
Je milite donc je deviens lesbienne : "Je l’ai fait à plus de 60 ans. Il n 'y a pas d'âge pour ça"

Dans les années 70, le lesbianisme politique est un courant de pensée issu du féminisme radical. Il se définit par un refus de partager des relations avec des hommes dans l’optique de combattre le patriarcat. Pour certaines femmes aujourd’hui, il est question de sortir de schémas toxiques et de se donner l’opportunité de vivre des histoires d’amour équilibrées. C’est ces histoires que nous allons raconter.

Si vous aussi vous voulez raconter vos belles histoires de vie, d'amitié et d'amour, vous pouvez envoyer un message à cette adresse : lucilebellan@gmail.com.

Marie-Rose a 74 ans et elle a été mariée pendant une quarantaine d’années avec un homme avec qui elle a eu 3 enfants : "J’ai épousé mon amoureux de jeunesse, comme toutes mes amies. Je n’ai jamais eu qu’un seul homme dans ma vie. J’ai accepté que ce soit le premier en tout et puis on s’est mariés et on a eu des enfants. C’était comme ça qu’on faisait à l’époque, il n’y avait pas vraiment le choix. Certaines de mes amies ont été heureuses, d’autres pas du tout. Une d’entre elles a pu divorcer. Certaines ont pris des amants. Moi, je n’ai été ni heureuse ni malheureuse, j’ai fait ce qui était attendu de moi."

Une envie d'aider les autres femmes

Plus ses enfants grandissent et plus Marie-Rose se rapproche des milieux féministes près de chez elle : "Il y avait des associations de soutien aux femmes battues, aux migrantes, aux familles en difficulté mais qui se focalisaient sur les femmes. Avec un mon groupe d’amies, on s’est mis à collecter des fonds, à tricoter des bonnets pour les bébés, à essayer d’aider. On avait bien conscience que pour notre génération, ça avait été plus simple. Pour mes deux filles, j’ai toujours essayé d’être présente et de leur apprendre l’indépendance. J’ai voulu leur donner le choix de prendre la pilule le plus tôt possible. Je ne les ai pas empêchées de faire leurs propres expériences, une chance que je n’ai pas eue."

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Son mari décède quand elle a 62 ans : "Mon mari avait quelques années de plus que moi et il avait mené une vie d’excès. C’était un fêtard, un bon vivant. Son coeur a lâché et c’est bien mieux qu’une longue maladie, pour lui comme pour moi. Je me suis retrouvée seule assez jeune, 62 ans ce n’est pas la fin de la vie quand même, et je me suis demandée si j’avais envie de rencontrer quelqu’un à nouveau. Mes enfants ont voulu que je m’inscrive sur des sites de rencontre mais je n’avais pas envie de ça et peur de tomber sur un homme qui n’aurait pas été correct. Avec les années, j’ai entendu mon compte d’histoires de maltraitance. Et je sais que beaucoup d’hommes de ces âges-là n’attendent qu’une bonniche pour compagne. J’ai annoncé à mes enfants qu’il n’y aurait plus d’homme dans ma vie."

Ses enfants croient à une déclaration d’amour à leur père : "Au départ, ils ont tous cru que je ne voulais que d’un seul homme dans ma vie, que j’étais amoureuse de lui à jamais. Mais la vérité c’est que je n’ai été amoureuse, vraiment amoureuse de lui, que quelques années, au début de notre histoire. Ensuite il y a eu les enfants et la question ne s’est plus posée. Je ne suis restée que parce qu’il a toujours été correct avec nous. Il n’y a que la violence que je n’aurais pas pardonné. Mais on ne peut pas dire qu’à sa mort, j’avais le sentiment de devoir sacrifier le reste de ma vie pour lui. Je n’ai rien dit à mes enfants mais une femme me plaisait dans mon groupe. Une autre femme seule qui, elle, ne s’était jamais mariée. Je savais qu’elle avait eu des aventures avec des femmes. Je lui ai dit un soir qu’elle me plaisait."

Un nouveau chapitre de sa vie

Marie-Rose commence alors un nouveau chapitre de sa vie : "Ça s’est fait comme ça, à plus de 60 ans. Je pense qu’il n’y a pas d’âge pour tenter de nouvelles choses, et pas de sexe spécifiquement pour l’amour. Je n’avais pas d’a priori sur le sexe entre femmes, sur l’amour entre femmes en général. C’est une éducation que j’ai donnée à mes enfants aussi, celle de la tolérance. Je ne leur ai pas parlé de cette histoire que je vis encore parce qu’on a toutes les deux gardé notre indépendance, elle chez elle et moi chez moi mais on se voit tous les jours. Je sais que quand je verrais la fin venir, je vais prévenir mes enfants pour qu’elle soit acceptée comme membre de la famille à part entière. J’ai déjà écrit une longue lettre au cas où il se passe quoi que ce soit. Je n’ai pas honte d’elle ni de nous. J’ai juste préservé un jardin secret. Je sais qu’ils ne m’en voudront pas. Ils connaissent depuis longtemps mon opinion sur les hommes, je ne vais pas leur raconter toute la vie et la relation que j’ai partagée avec leur père. Je pense qu’ils seront un peu étonnés de savoir que j’ai été aussi longtemps avec une femme. Et qu’ils seront heureux de savoir que j’ai aimé et j’ai été heureuse."

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