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Les USA rejettent les explications russes après l'attaque en Syrie

par Michelle Nichols et Tom Perry NATIONS UNIES/BEYROUTH (Reuters) - Les Etats-Unis ont rejeté mercredi les explications de la Russie concernant l'attaque à l'arme chimique du village syrien de Khan Cheikhoune, dans la région d'Idlib, et laissé entendre qu'ils pourraient envisager une action unilatérale en réponse à ce drame qualifié par Donald Trump d'"affront contre l'humanité". Le président américain a estimé que ce raid, qui a fait au moins 70 morts dans le nord-ouest de la Syrie, était allé "au-delà de la ligne rouge". Il a fait ainsi allusion à son prédécesseur Barack Obama qui avait renoncé à agir contre la Syrie lors d'une précédente attaque chimique en 2013, bien que Damas ait alors franchi une "ligne rouge" fixée par la Maison blanche. Donald Trump n'a donné aucune indication sur ce que les Etats-Unis pourraient entreprendre, s'ils en ont l'intention. Ces commentaires interviennent alors que Washington disait il y a quelques jours que le départ de Bachar al Assad n'était plus une priorité. Ils risquent d'accroître les tensions avec Moscou, même si le Kremlin et la Maison blanche affirment vouloir améliorer leurs relations. Les Etats-Unis et les autres pays occidentaux imputent aux forces gouvernementales syriennes la responsabilité de l'attaque de Khan Cheikoune. Les services de renseignement américains jugent qu'il s'agit probablement d'une attaque au gaz sarin. Selon Médecins sans frontières, des victimes du bombardement présentent des symptômes caractéristiques d'une exposition à ce type d'agent neurotoxique. La Russie a affirmé quant à elle que la contamination aux gaz provenait d'une fuite d'armes chimiques entreposées par les rebelles dans un dépôt bombardé par les forces gouvernementales syriennes. Un haut responsable de la Maison blanche s'exprimant sous le sceau de l'anonymat a jugé que cette explication, rejetée par les rebelles, ne tenait pas. "Nous n'y croyons pas", a-t-il dit. MOSCOU JUGE LA RÉSOLUTION "INACCEPTABLE" Au siège des Nations unies, les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni ont présenté une résolution condamnant l'attaque chimique présumée. La Russie a jugé le texte "inacceptable", basé selon elle sur de "fausses informations". Le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a déclaré que Moscou réclamerait que la responsabilité des rebelles soit mentionné, ce qui augure d'un possible veto de Moscou. Les négociations se poursuivent et le vote n'aura probablement pas lieu mercredi, a fait savoir l'ambassadeur britannique Matthew Rycroft. La Russie a opposé pour la septième fois en février son veto à un projet de résolution afin de protéger le régime syrien contre des sanctions de l'Onu. S'exprimant devant les Quinze, la représentante permanente des Etats-Unis à l'Onu, Nikki Haley, a prévenu que les Etats devaient prendre leurs responsabilités quand les Nations unies échouent à agir collectivement. "La paix n'intéresse pas (le président syrien Bachar al) Assad, la Russie et l'Iran. L'illégitime gouvernement syrien, dirigé par un homme sans conscience, a commis des atrocités contre son peuple", a dit l'ambassadrice, avant d'ajouter: "Lorsque les Nations unies manquent constamment à leur devoir d'agir collectivement, il arrive des moments dans la vie des Etats où nous sommes obligés d'agir nous-mêmes." PLUS DE CENT MORTS SELON ANKARA Pour l'Organisation mondiale de la santé (OMS), qui parle mercredi d'au moins 70 morts, les victimes de Khan Cheikhoune présentaient des symptômes correspondant à une exposition à des "substances chimiques organophosphorées, une catégorie de produits chimiques qui inclut les agents neurotoxiques". Le président turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré que l'attaque avait fait plus de cent morts. Cette exposition à des armes chimiques, dont la réalité n'est pas démentie par Damas et Moscou, est la plus meurtrière en Syrie depuis le bombardement au gaz sarin qui a fait plusieurs centaines de morts dans la région de la Ghouta, près de Damas, en août 2013. Les pays occidentaux avaient tenu le régime syrien responsable de cette attaque, Damas avait accusé les rebelles et les Etats-Unis avaient été sur le point de riposter militairement avant que Barack Obama, qui avait fait de l'emploi des armes chimiques par le régime de Bachar al Assad une "ligne rouge" à ne pas franchir, ne renonce. Le projet de résolution, que Reuters a pu consulter, réclame du gouvernement syrien qu'il fournisse aux enquêteurs internationaux les plans et registres de vols de son aviation, le nom des chefs d'escadrons de ses hélicoptères et laisse ces mêmes enquêteurs accéder aux bases aériennes d'où aurait pu être menée l'attaque chimique. (Avec Maria Tsvetkova à Moscou; Julie Carriat, Nicolas Delame, Henri-Pierre André et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)