Les transporteurs prêts à s'unir et agir contre l'écotaxe

Manifestation de transporteurs routiers dans le nord de la France. Les fédérations de transporteurs routiers prévoient de telles manifestations ce mois-ci pour protester contre la mise en oeuvre du péage de transit poids lourds et une grève n'est pas exclue. /Photo d'archives/REUTERS/Pascal Rossignol

PARIS (Reuters) - Les fédérations de transporteurs routiers prévoient des manifestations en octobre pour protester contre la mise en oeuvre du péage de transit poids lourds et une grève, dont l'impact sur l'activité peut être fort, n'est pas exclue. La Fédération nationale des transporteurs routiers (FNTR), TLF, l'Unostra et la CSD soulignent jeudi dans un communiqué que les entreprises ne peuvent "supporter une fiscalité supplémentaires quelle qu'elle soit". "LA FNTR, TLF, l'Unostra et la CSD ont donc décidé d'organiser des actions revendicatives contre l'écotaxe", disent les quatre fédérations, prenant acte de l'échec des discussions avec le médiateur Christian de Lavernée. Ces actions auront lieu vers la mi-octobre, a précisé à Reuters le délégué général de la FNTR, Nicolas Paulissen. "Il s'agira de manifestations sur la voie publique avec des véhicules", a-t-il ajouté, sans donner de détails. Des opérations escargots ou barrages filtrants sont envisagés. Leur action pourrait toutefois aller plus loin puisque les manifestations devraient réunir ces fédérations avec l'OTRE, qui réunit des PME et TPE du secteur, et avait adopté une position plus radicale face au gouvernement. La FNTR comme l'OTRE disent leur volonté de lancer un mouvement unitaire et cette dernière n'exclut pas une grève. "On se félicite que ces fédérations, après avoir tergiversé, rejoignent la position qui est la nôtre (...). Il est évident que des mobilisations de grande ampleur ne sont plus à exclure", a dit à Reuters le secrétaire général de l'OTRE, Gilles Mathelié-Guinlet. "Ce seront des manifestations unitaires. Pour notre part, on a déjà fait des opérations escargots et des barrages filtrants l'année dernière, et donc pour nous, cette étape-là est déjà passée. Une grève des transports n'est pas à exclure." LE GAZOLE EN SUS Le ministère des Transports a annoncé la semaine dernière une modification du projet de péage de transit poids lourds, qui doit être instauré sur les 4.300 km de routes où circulent plus de 2.500 camions de plus de 3,5 tonnes par jour. L'expérimentation sans facturation de cette taxe, qui doit être indexée sur le nombre de kilomètres parcourus et le niveau de pollution des poids lourds, devait commencer en octobre pour une mise en oeuvre effective début 2015. "Le ministre est dans une démarche de main tendue et de dialogue avec les transporteurs", soulignait-on jeudi au secrétariat d'Etat aux Transports. "L'expérimentation à blanc du dispositif démarre, afin que nous puissions en faire le bilan." "Le ministre proposera (aux transporteurs) de se réunir à partir de la mi-octobre afin d'en étudier la faisabilité technique et juridique." Mais les transporteurs, rejoints par la FNSEA et Coop de France, organisations d'agriculteurs, contestent le système censé remplacer l'ancienne version de l'écotaxe, retirée après la révolte des "bonnets rouges" de Bretagne. Le ministère a tenté de revoir sa copie sur la question régionale en décidant d'un calcul par bassins d'emplois et en fonction de la pollution engendrée, avec un barème allant de 5,3 à 18,5 centimes du kilomètre, mais cela n'a pas suffi. "Il y a deux points d'achoppement : un, nos entreprises ne peuvent pas le supporter et deux, les disparités régionales. Dans les régions très impactées, vous avez une augmentation qui peut aller jusqu'à 10% à 12%", a dit Nicolas Paulissen. "Comment vous pouvez répercuter une telle hausse dans une situation de crise telle que nous la vivons ? Nous disons non à l'écotaxe et nous demandons une remise à plat totale de la politique de transports." Les transporteurs vont en outre être parmi les premiers touchés par la hausse de deux centimes de la taxe sur le gazole prévue dans le projet de loi de finances 2015 afin de compenser la perte de revenus du dispositif de taxe poids lourds. Le péage de transit devrait rapporter environ 500 millions d'euros, alors que l'écotaxe devait à l'origine en générer plus de 800. Le secteur dénonce en outre le coût du contrat signé avec Ecomouv', société de collecte de la première écotaxe. Les transporteurs, qui disent contribuer au financement des infrastructures à hauteur de 1,8 milliard en péages d'autoroute, sont confortés dans leur fronde par le récent rapport de l'Autorité de la concurrence sur les bénéfices des exploitants des autoroutes. Selon ce document, la rentabilité "exceptionnelle" des sociétés qui ont bénéficié de la privatisation des autoroutes en 2006 est "déconnectée de leurs coûts et disproportionnée par rapport au risque de leur activité", et donc "assimilable à une rente", de l'ordre de 20% à 24%. (Gregory Blachier, édité par Sophie Louet)