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Incidents lors des municipales dans la partie serbe du Kosovo

par Aleksandar Vasovic MITROVICA, Kosovo (Reuters) - De nombreux actes d'intimidation ont émaillé les élections municipales dimanche dans la partie nord à majorité serbe du Kosovo, dans le cadre d'un scrutin jugé crucial pour le rapprochement entre Belgrade et Pristina que s'efforce de promouvoir l'Union européenne. La Serbie souhaite que les quelque 40.000 Serbes majoritaires dans le nord du pays, appelés aux urnes pour la première fois, participent au vote en espérant que cela facilitera les négociations d'adhésion de Belgrade à l'UE, censées débuter en janvier prochain en vertu de l'accord de normalisation des relations serbo-kosovares d'avril dernier. Mais les extrémistes serbes opposés à l'indépendance du Kosovo où les albanophones sont majoritaires à 90%, ont lancé un appel au boycottage qui a pris parfois un tour violent et risque fort de gâcher le scrutin. Deux heures avant la fermeture du scrutin, des hommes au visage dissimulé ont fait irruption dans trois bureaux de vote installés dans des écoles de la partie serbe de Mitrovica. Ils ont lancé des grenades et démoli des urnes. Les opérations de vote ont alors été suspendues vers 17h00 locales (16h00 GMT) dans le nord de Mitrovica. Les assesseurs se sont enfuis et des véhicules blindés de la force de l'Union européenne ont pris position dans les faubourgs de la ville, survolée par des hélicoptères. L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), qui a aidé à organiser la consultation, a retiré 60 de ses quelque 200 employés présents dans le secteur. "Les élections ne reprendront pas ce soir ou demain et la question est de savoir si le scrutin reprendra un jour", a déclaré Oliver Ivanovic, candidat au poste de maire pour la partie nord de Mitrovica. Selon lui, une femme s'est blessée en sautant d'une fenêtre. ELECTEURS INSULTES ET FILMES Ceux qui ont voté ont été hués et insultés par des groupes de Serbes, dont beaucoup avaient fait le voyage depuis la Serbie voisine et qui ont filmé les votants devant les bureaux. Dans le reste du Kosovo, les milliers de Serbes habitant dans les enclaves dispersées en territoire albanophone ont déjà voté en 2009 et sont mieux intégrés dans le nouvel Etat, proclamé en février 2008. "Ces élections sont un acte de haute trahison qui conduira à couper définitivement le Kosovo de la Serbie et à un exode des Serbes du Kosovo", estime Negovan Todorovic, un étudiant de 22 ans. "Belgrade trahit le Kosovo pour la vague perspective de soi-disant bénéfices d'une soi-disant intégration européenne." Krstimir Pantic, un candidat à la mairie de Mitrovica soutenu par Belgrade, a été agressé vendredi soir dans la rue par deux hommes cagoulés. Il souffre de coupures et d'ecchymoses au visage. Dans cette ville coupée en deux entre une partie nord serbe et une partie sud albanophone, il a été insulté par des dizaines de Serbes portant un badge "100% boycottage" lorsqu'il s'est rendu dimanche au bureau de vote, déserté par deux des quatre personnes chargées de veiller au déroulement du scrutin. Milka, une Serbe âgée de 43 ans qui refuse de donner son nom de famille, dit qu'elle n'ira pas voter par crainte de perdre son emploi dans une entreprise dans le gérant est favorable au boycottage. "Depuis des jours, il nous menace de se rendre personnellement dans tous les bureaux de vote et de limoger ceux qu'il verra voter." Des ultranationalistes sont également venus de Serbie pour soutenir l'appel. "Je suis venu ici avec des dizaines de mes frères pour empêcher la vente honteuse de territoire serbe", déclare un homme nommé Stevica. "Nous irons dans les bureaux de vote pour voir qui sont ces traîtres, ces lâches et ces ordures qui veulent trahir la Serbie." Certains, pourtant, n'ont pas peur. "Je vis ici depuis près de 80 ans et je suis venu voter parce que si nous ne participons pas aux élections, les Serbes disparaîtront du Kosovo", explique Milorad Stijovic, un retraité de 79 ans. "Ces gens, ceux qui boycottent, ne peuvent pas m'intimider parce que je suis trop vieux, et j'ai vu pire que ça." Avec Fatos Bytyci à Pristina; Jean-Stéphane Brosse et Jean-Loup Fiévet pour le service français