Des chaises vides au procès des relations entre Total et Iran

Le procès de Total s'est ouvert jeudi au tribunal correctionnel de Paris, où le géant pétrolier est jugé pour corruption d'agents publics étrangers en marge de la conclusion de contrats en Iran en 1997, en l'absence des protagonistes, morts ou présumés tel. /Photo d'archives/REUTERS/Stéphane Mahé

PARIS (Reuters) - Le procès de Total s'est ouvert jeudi au tribunal correctionnel de Paris, où le géant pétrolier est jugé pour corruption d'agents publics étrangers en marge de la conclusion de contrats en Iran en 1997, en l'absence des protagonistes, morts ou présumés tel.

Dans ce dossier que la justice a mis des années à faire aboutir, Total est soupçonné d'avoir versé quelque 30 millions de dollars de pots-de-vin entre 2000 et 2003 sous couvert d'un contrat de consultance signé pour faciliter la conclusion d'un accord concernant l'immense gisement gazier de South Pars.

Selon l'accusation, cet argent a notamment été en partie versé à un fils de l'ancien président iranien Hachemi Rafsanjani (1989-1997), Mehdi, alors dirigeant de filiales de la société pétrolière nationale iranienne, NIOC, avec laquelle Total a signé le 28 septembre 1997 le contrat relatif à South Pars.

A l'ouverture du procès, les absents occupaient tout l'espace de la salle d'audience.

Christophe de Margerie, qui était alors directeur Moyen-Orient de Total, dont il deviendra quelques années plus tard le PDG, a été tué dans un accident d'avion à Moscou voilà quatre ans.

L'intermédiaire iranien Bijan Dadfar, dont la société Baston Associated LTD avait conclu avec Total le contrat de consultance du 14 juillet 1997 et qui devait être jugé pour complicité, est mort récemment de maladie, a déclaré son avocat à Reuters.

Un autre intermédiaire iranien, également poursuivi pour complicité, Abbas Yazdi, réputé proche de Mehdi Hachemi Rafsanjani, est présumé mort : selon son ex-avocat, il a été enlevé à Dubaï, où ses ravisseurs supposés ont été condamnés, et son corps n'a jamais été retrouvé.

LE PRÉCÉDENT AMÉRICAIN

Il ne reste plus que la personne morale Total, représentée par son ancien secrétaire général Jean-Jacques Guilbaud, conseiller de l'actuel PDG du groupe.

Pendant l'enquête, Total, ses dirigeants et ses conseils ont contesté les accusations de corruption et défendu l'idée que les faits reprochés relevaient du trafic d'influence à l'étranger, alors non réprimé par le droit français.

Cependant, en mai 2013, au moment où le parquet de Paris demandait un renvoi en correctionnel, Total concluait avec les autorités américaines une transaction mettant fin à des poursuites relatives à des faits similaires.

Total avait ainsi accepté de payer 245 millions de dollars au département américain de la Justice et 153 millions à la Commission américaine des opérations de Bourse (SEC).

Jeudi, les avocats du groupe pétrolier ont invoqué le principe du "non bis in idem", selon lequel nul ne peut être jugé deux fois pour les mêmes faits, et l'incapacité de Total de se défendre en raison des engagements pris dans le cadre de la transaction américaine.

Les juges ne se sont pas prononcés dans l'immédiat et ont joint ces questions au fond du dossier.

Le procès, qui doit se terminer vendredi par le réquisitoire et les plaidoiries de la défense, s'intéresse à une histoire d'autant plus ancienne que Total a décidé en août de se retirer du projet South Pars, à la suite des menaces de sanctions de l'administration américaine de Donald Trump de sanctionner les entreprises commerçant avec l'Iran.

(Emmanuel Jarry avec Simon Carraud, édité par Yves Clarisse)