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Poutine demande à Kiev de laisser ses soldats déposer les armes

par Anton Zverev NIKICHINE, Ukraine (Reuters) - Le président russe Vladimir Poutine a demandé mardi à Kiev de laisser ses soldats se rendre aux combattants pro-russes qui ont poursuivi leur offensive sur la ville de Debaltseve au mépris du cessez-le-feu conclu à Minsk la semaine dernière. Des combats de rue opposaient mardi les séparatistes aux troupes ukrainiennes à l'intérieur de la ville assiégée de Debaltseve, rendant plus qu'incertain la perspective d'un retrait des armes lourdes de la ligne de front. L'accord trouvé jeudi dernier à Minsk lors d'un sommet des dirigeant russe, ukrainien, allemand et français prévoyait que le retrait des armes lourdes de la ligne de front débute ce mardi. "J'espère que les responsables ukrainiens ne vont pas empêcher les soldats de l'armée ukrainienne de déposer les armes", a déclaré le président russe à Budapest où il a rencontré le Premier ministre Viktor Orban. "S'ils ne sont pas capables de prendre cette décision d'eux même et de donner cet ordre, j'espère qu'ils ne poursuivront pas ceux qui veulent sauver leur vie et celles des autres." Des obus d'artillerie sont tombés mardi toutes les cinq secondes sur Debaltseve, malgré la trêve en vigueur dimanche à 00h00 entre séparatistes et troupes régulières, a constaté un journaliste de Reuters. Le président ukrainien Petro Porochenko a condamné l'offensive des pro-russes, qu'il a qualifiée "d'attaque cynique" contre le cessez-le-feu. "C'est une attaque cynique contre l'accord de Minsk", a-t-il dit, cité dans un communiqué relatant une conversation avec la chancelière allemande Angela Merkel. "J'en appelle aux membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies pour éviter une nouvelle escalade et qu'on en vienne à déclencher des opérations de guerre à grande échelle en plein coeur de l'Europe." Les séparatistes pro-russes ne semblent pas prêts à arrêter les combats tant qu'ils n'auront pas pris Debaltseve, qu'ils considèrent comme faisant partie de leur "territoire intérieur". "Quatre-vingt pour cent de Debaltseve sont déjà entre nos mains", a affirmé Edouard Bassourine, l'un des commandants séparatistes. "Une opération de nettoyage est en cours dans la ville", a-t-il ajouté. Le ministère ukrainien de la Défense, à Kiev, a reconnu qu'une partie de la ville était aux mains des séparatistes et que des soldats avaient été faits prisonniers. Kiev a démenti cependant que le nombre de militaires capturés par la rébellion s'élève à 300. "Des combats de rue se poursuivent. Les rebelles attaquent la ville par groupes d'assaut, appuyés par l'artillerie et des véhicules blindés. Une partie de la ville est tombée aux mains des bandits", indique le ministère dans un communiqué. Les séparatistes bombardent depuis plusieurs semaines ce noeud ferroviaire et routier, stratégique car à mi-chemin entre leurs deux grands bastions, Donetsk et Louhansk. Kiev et l'Otan affirment que l'opération des séparatistes pour prendre Debaltseve s'effectue avec le soutien de chars, de pièces d'artillerie et de fantassins de l'armée russe. Moscou dément participer aux opérations de conquête d'un territoire que le président Vladimir Poutine appelle "Novorossia" (Nouvelle Russie). LA "VIVE INQUIÉTUDE" DE WASHINGTON Des observateurs de l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) espéraient mardi pouvoir accéder à Debaltseve mais les séparatistes les en ont empêchés. Un nouvel appel à la paix lancé par l'Allemagne est resté lettre morte. "Nous n'avons pas le droit (d'arrêter les combats à Debaltseve). C'est une question morale. C'est un territoire intérieur", a dit Denis Pouchiline, un dirigeant rebelle, s'exprimant à Donetsk. "Nous devons répondre à des tirs, travailler à détruire les positions combattantes ennemies. Nous sommes prêts à tout moment (à entamer un retrait des armes lourdes), nous sommes prêts pour un retrait mutuel. Nous ne ferons rien unilatéralement, nos soldats seraient pris pour cibles", a-t-il ajouté. L'armée ukrainienne affirme de son côté qu'elle ne peut pas mettre en oeuvre un retrait des armes lourdes tant que les combats n'ont pas cessé partout sur la ligne de front. "Le retrait ne peut intervenir que si le premier point des accords de Minsk est respecté avec un cessez-le-feu. Les tirs se sont poursuivis au cours des dernières 24 heures, il n'y a donc pas de cessez-le-feu", a expliqué Andriy Lissenko, en ajoutant que les conditions n'étaient pas remplies pour de retrait. Interrogé pour savoir si le repli des armes lourdes peut intervenir malgré une poursuite des combats à Debaltseve, il a répondu: "les accords de Minsk parlent d'un cessez-le-feu général. Donc ma réponse est 'non, impossible'". Les Etats-Unis ont fait part de leur "vive inquiétude" concernant la poursuite des combats à Debaltseve et suivent de près les informations sur l'envoi d'une nouvelle colonne d'équipement militaire russe dans cette région. "Nous demandons à la Russie et aux séparatistes qu'elle soutient de cesser sans attendre toutes les attaques", a déclaré Jen Psaki, porte-parole du département d'Etat. Conséquence de la guerre en cours dans les régions de l'Est, le produit intérieur brut de l'Ukraine s'est contracté de 15,2% au quatrième trimestre 2014 par rapport au dernier trimestre de 2013. Par rapport au troisième trimestre de 2014, la contraction du PIB a été de 3,8%. (Avec Pavel Polityuk à Kiev, Madeline Chambers à Berlin; Pierre Sérisier, Juliette Rouillon et Eric Faye pour le service français)