Les pertes civiles en Syrie obèrent une coopération russo-US

par Jonathan Landay, Phil Stewart et Warren Strobel WASHINGTON (Reuters) - Les informations faisant état de lourdes pertes civiles sous les bombes russes en Syrie sont l'une des raisons majeures pour lesquelles il est peu probable que Washington coordonne ses frappes aériennes avec Moscou contre les djihadistes de l'Etat islamique (EI), disent des responsables américains. Même si Barack Obama n'a pas fermé, mardi, la porte à une coopération militaire avec le Kremlin. Lors d'une conférence de presse à la Maison blanche avec François Hollande, le président américain a réaffirmé que la Russie était "la bienvenue dans la vaste coalition que nous avons mise sur pied". Mais avant cela, a-t-il dit, elle doit cesser de défendre le régime de Bachar al Assad et de bombarder les rebelles pro-occidentaux, pour s'en prendre seulement à l'EI. Les responsables américains estiment cependant qu'il y a d'autres obstacles à une participation de Moscou à la coalition sous conduite américaine, laquelle rassemble déjà une soixantaine de pays contre l'EI en Syrie mais aussi en Irak. De la Maison blanche au Pentagone, les dirigeants américains sont préoccupés par les bilans de plus en plus lourds des pertes civiles sous les bombes russes, même si cette question est moins médiatisée que le recours aux "barils d'explosifs" par l'armée de l'air de Bachar al Assad contre des civils sans armes. En coopérant militairement avec Moscou en Syrie, les Etats-Unis pourraient passer pour complices de la mort de civils, disent certains responsables américains sous le sceau de l'anonymat. Ils craignent aussi qu'une coopération militaire américano-russe ne tende les relations entre Washington et les groupes insurgés syriens soutenus par l'Occident, dont certains reçoivent un appui militaire des Américains. Selon l'un de ces responsables, l'indifférence manifeste des Russes pour les pertes civiles est l'une des raisons pour lesquelles les Etats-Unis rechignent à une coopération avec Moscou. Un responsable relève les précautions que prennent les Etats-Unis pour essayer d'éviter des pertes civiles, parlant même d'une composante essentielle de la stratégie de la coalition sous conduite américaine en Syrie. Les autorités américaines ne contestent pas les accusations des militants syriens des droits de l'homme, d'après lesquels des bombes et des missiles russes ont touché des mosquées, des hôpitaux et autres infrastructures civiles, faisant des centaines de morts. APPROCHE "IRRESPONSABLE" DES RUSSES Pour le colonel Steve Warren, porte-parole, basé à Bagdad, de la coalition internationale sous conduite américaine, l'armée américaine juge "plutôt exacts" les bilans des pertes civiles avancés par différentes organisations non gouvernementales. Dans un communiqué en date du 20 novembre, l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH, proche de l'opposition syrienne) indique qu'environ 400 civils, dont plus de 160 femmes et enfants, ont péri dans les bombardements russes. "C'est un travail militaire bâclé", dit le colonel Warren à propos des bombardements aériens russes. "C'est l'approche des opérations irréfléchie, irresponsable, imprécise et franchement insensible qu'ont adoptée les Russes en Syrie". La Russie affirme que ses bombardements visent le groupe EI et nie avoir tué des civils. Elle s'est déclarée ce mois-ci "indignée" par un rapport de l'organisation américaine Physicians for Human Rights (Médecins pour les droits de l'homme) d'après lequel les Russes ont bombardé dix installations médicales en octobre en Syrie. Fadel Abdoul Ghany, directeur de l'ONG Réseau syrien des droits de l'homme, parle de 265 civils tués dans les bombardements russes, qui ont commencé le 30 septembre. La majeure partie des attaques aériennes russes ont visé des régions tenues par les rebelles dans la province d'Idleb, dans le nord-ouest de la Syrie, dans la province de Lattaquié, également dans le Nord-Ouest, ainsi que le secteur de la grande ville d'Alep (nord de la Syrie), a-t-il dit. L'une des raisons pour lesquelles les Russes tuent des civils, selon les responsables américains, c'est que leurs avions ne sont pas équipés de bombes guidées avec grande précision. D'autre part, dit-on de source gouvernementale américaine, bon nombre de coordonnées visées par les Russes en Syrie ont été communiquées par le régime Assad. Les Nations unies estiment que le conflit civil syrien a fait dans les 250.000 morts depuis 2011, qu'il a chassé de chez eux 11 millions de Syriens, soit un sur deux, et que parmi ces 11 millions, quatre millions se sont réfugiés à l'étranger. (Eric Faye pour le service français)