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Les partisans de l'imam Sadr envahissent la zone verte à Bagdad

par Saif Hameed et Stephan Kalin BAGDAD (Reuters) - Des centaines de partisans de l'imam Moktada al Sadr ont envahi samedi la "zone verte" de Bagdad, le quartier fortifié abritant les principaux lieux de pouvoir, et pénétré dans le Parlement pour protester contre l'absence de vote sur un nouveau gouvernement en Irak. Les forces de sécurité irakiennes ont tiré en l'air et fait usage de gaz lacrymogène pour tenter de dissuader une partie des militants de rejoindre la zone sécurisée à partir d'un pont situé non loin de l'ambassade des Etats-Unis, a-t-on appris de sources policières et d'un membre de l'entourage de Sadr. Auparavant, l'épreuve de force entre les sadristes et la police s'était déroulée sans incident. Les sadristes multiplient les initiatives depuis des semaines pour obtenir la constitution par le Premier ministre Haïdar al Abadi d'un nouveau cabinet de techniciens chargé de lutter contre la corruption. Ils étaient des dizaines de milliers mardi dans les rues de Bagdad pour exiger des parlementaires un vote en faveur d'un remaniement. Les manifestants, d'abord rassemblés à l'extérieur de la zone verte, qui abrite les ministères et les ambassades, ont franchi un premier pont sur le Tigre aux cris de "Les lâches fuient", par allusion aux députés quittant le Parlement, ont constaté des journalistes de Reuters sur place. Ils ont ensuite pénétré dans la zone fortifiée en agitant des drapeaux irakiens et en affirmant le caractère pacifique de leur mouvement. Certains ont grimpé sur les barrières de béton protégeant le quartier hautement sécurisé du centre de la capitale irakienne. La chaîne de télévision Charkiya TV a montré le Premier ministre marchant dans la zone verte entouré de dizaines de gardes du corps, afin de démentir des rumeurs de fuite. Une unité des forces spéciales de l'armée, équipée de véhicules blindés, a été dépêchée pour protéger les sites sensibles, ont indiqué deux sources proches des services de sécurité. Aucun couvre-feu n'a été imposé, ont-elles ajouté. Toutes les entrées de Bagdad ont été fermées "à titre de précaution pour maintenir la sécurité dans la capitale", a précisé un autre responsable des services de sécurité. Un porte-parole des Nations unies et des diplomates occidentaux installés dans la zone verte ont déclaré que leurs enceintes avaient été barricadées. Un représentant de l'ambassade des Etats-Unis a démenti toute évacuation de la mission. Plus tôt dans la journée, un kamikaze au volant d'un véhicule piégé a fait 19 morts et plus de 48 blessés lors d'un attentat revendiqué par l'Etat islamique contre un groupe de pèlerins chiites dans la banlieue sud-est de la capitale. INTRUSION SANS PRÉCÉDENT Une telle intrusion dans le quartier sécurisé depuis l'invasion américaine de 2003 est sans précédent, même si cette zone de 10 km2 a déjà été visée, il y a plusieurs années, par des pluies d'obus de mortier. Les checkpoints et les barrières de béton coupent depuis des années les ponts et les rues donnant accès au quartier, symbolisant l'écart entre les dirigeants et le peuple irakiens. Sur des images vidéo diffusées samedi, on a pu voir des manifestants attaquant un 4x4 blindé blanc à coup de bâtons et de projectiles, ou d'autres frapper un homme en costume gris. Les protestataires ont été fouillés très sommairement par un groupe d'une dizaine de miliciens sadristes à leur entrée dans la zone verte, alors que les membres des forces de sécurité normalement préposées à cette tâche se tenaient à l'écart. A l'intérieur du Parlement, plusieurs centaines de manifestants dansaient, agitaient le drapeau national et scandaient des slogans en faveur de Moktada al Sadr. Certains semblaient briser des meubles. Auparavant, l'assemblée n'avait pas atteint le quorum requis pour voter sur le remaniement proposé par Haïdar al Abadi. Les partis irakiens résistent aux efforts déployés par le Premier ministre pour remplacer certains ministres, choisis en fonction de critères partisans, ethniques ou religieux, par des technocrates. Peu avant l'entrée de ses partisans dans la zone verte, Moktada al Sadr a lancé un message en forme d'ultimatum: "Si les corrompus restent avec les quotas, ce sera tout le gouvernement qui chutera et personne ne sera épargné." Dans un discours télévisé enregistré à Najaf, où il a annoncé qu'il se retirait de la vie publique pendant deux mois, l'imam chiite a ajouté "attendre le grand soulèvement populaire et la grande révolution pour stopper la marche des corrompus". (Avec Ahmed Saad; Jean-Stéphane Brosse pour le service français)